11 mai 2000 |
Entre 1994 et 1999, 87 professeurs d'université quittaient annuellement le Québec alors que 79 professeurs étrangers arrivaient dans nos universités, révèle une étude réalisée par l'Observatoire des sciences et des technologies. L'exode des cerveaux tant publicisé se résumerait donc au départ de 8 professeurs par année, soit moins de 0,1 % des 8 428 professeurs universitaires québécois. "Les universités québécoises, pas plus que les universités canadiennes, ne sauraient être décrites comme des victimes de l'exode des cerveaux", concluent les auteurs de cette étude, commandée par le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Jean Rochon.
Cette conclusion vient jeter une douche d'eau froide sur ceux qui prétendent que les cerveaux fuient le pays en masse pour échapper aux taxes et impôts élevés. Depuis cinq ans, les médias québécois ont contribué à alimenter ce mythe en diffusant docilement ce discours; le nombre d'articles consacrés au prétendu exode des cerveaux est passé de 23 à plus de 200 par année. Le résultat: plus de 75 % des Canadiens croient aujourd'hui à l'existence de ce phénomène.
Des jeunes en majorité
Les données de l'Observatoire proviennent d'une enquête
téléphonique réalisée auprès
des directeurs de 499 départements universitaires et des
directeurs de recherche de 99 entreprises actives en R&D.
L'analyse révèle que les professeurs qui ont quitté
provenaient surtout des domaines des sciences de la santé
(1,8 % des départs), des sciences sociales (1,1 %), des
mathématiques et sciences physiques (1,0 %) et du génie
et des sciences appliquées (1 %). Soixante-deux pour cent
des migrants avaient moins de 34 ans et moins de 20 % avaient
le statut de professeur titulaire. Les universités anglophones
sont les plus touchées puisque près de 60 % des
départs ont frappé les universités McGill
et Concordia. À Laval, le flux migratoire est positif puisqu'on
a dénombré huit départs et neuf arrivées.
Les professeurs qui ont quitté ont accepté des postes au Canada (38 %), aux États-Unis (38 %) ou dans un autre pays (23 %). Les principales raisons invoquées pour partir étaient l'obtention de meilleures conditions de recherche et un salaire supérieur. Les auteurs de l'étude, Benoît Godin et Yves Gingras, signalent que les départs pour l'étranger ne sont pas inhabituels dans le monde universitaire, les personnes plus scolarisées étant beaucoup plus mobiles que les populations dont elles sont issues. "On ne saurait saluer comme des facteurs de progrès la mondialisation de l'économie et l'internationalisation de la science et, en même temps, déplorer la mobilité transfrontalière de la science."
L'exode intérieur
L'étude de l'Observatoire vient confirmer une recherche
antérieure effectuée par Statistique Canada qui
montrait que, d'un point de vue purement statistique, l'exode
des cerveaux était un mythe puisqu'en nombre absolu, le
Canada accueillait plus de cerveaux qu'il en exportait vers les
autres pays.
Malgré leur petit nombre absolu, les départs de professeurs vers l'étranger font parfois mal, vu la qualité des individus en question. Selon les directeurs d'unités qui ont répondu à l'enquête, 75 % des professeurs qui ont quitté comptaient parmi les 20 % meilleurs de leur unité. Dans plusieurs cas, il s'agissait de vedettes montantes ou d'étoiles déjà brillantes au firmament de la recherche.
Lors d'un colloque présenté en 1997 à Québec, l'Association des universités et des collèges du Canada (AUCC) soutenait pour sa part que les universités canadiennes étaient au prise avec un autre type d'exode, tout à fait réel celui-là. Entre 1995 et 1997, les universités ont perdu 1 350 (7 %) de leurs professeurs, dont près de la moitié en raison de départs anticipés à la retraite occasionnés par la situation économique difficile. Seulement la moitié de ces 1 350 postes vacants ont été remplacés.
|