![]() |
17 février 2000 ![]() |
Avis aux amoureux des mots: une soirée de poésie, sous le thème "Le poète n'a pas dit son dernier mot", se tiendra le mardi 22 février, de 19 h 30 à 21 h, à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins. À cette occasion, huit poètes vous feront découvrir ou redécouvrir ce genre littéraire, par la lecture de textes de leur cru ou par des actes "performatifs", le tout accompagné, à la musique, par les bruitistes" du groupe Arborisation terminale.
L'univers poétique, souvent insaisissable, peut sembler obscur ou bizarre aux profanes. À la lecture de certains poèmes, l'éternelle question: "Que cherche à dire l'auteur ?" tourne dans nos têtes, en quête d'une réponse. Mais est-ce réellement essentiel de tout saisir, de démasquer le soi-disant sens caché derrière les mots pour apprécier cet art à sa juste valeur ? Bien sûr que non, comme le souligne Michel Pleau, chargé de cours en création littéraire, pour qui la poésie constitue, avant tout, un plaisir esthétique et sonore où le rythme prend une place centrale: "La plupart des gens sont incapables de distinguer les notes de musique, néanmoins ils sont tous en mesure d'apprécier un concert. La poésie, c'est la musique des mots. Il ne faut pas juste chercher à comprendre rationnellement ce qui est dit, mais plutôt, à se laisser porter vers d'autres cieux." D'ailleurs le poème doit être dit pour être pleinement apprécié, croit Jean-Noël Pontbriand, professeur de création littéraire. La soirée de poésie, remplissant à merveille ce rôle, représenterait, en quelque sorte, un passage obligé.
Dans ce genre de soirée, le poète cherche, non pas à se donner en spectacle, mais à établir un contact avec le public, à l'émouvoir et l'éveiller à la beauté infinie des mots. Il y transmet sa passion, nourrie des sentiments, des désirs et des pulsions qui l'habitent. Le public, lui, y vit une expérience émotionnelle intense, hors des lieux communs. Michel Pleau y voit même l'occasion, pour ce dernier, d'entreprendre un retour aux sources. "Les soirées de poésie servent souvent de déclencheur permettant aux gens de retrouver le poète enfoui au fond d'eux. Elles agissent comme un souffle sur les braises qui rallume le feu en chacun de nous." Malgré les heures passées à baigner dans l'atmosphère d'une soirée de poésie, on en ressort, bien souvent, incapable de répéter à quiconque de quoi il a été question. Ce n'est pas ce qui importe, de toute façon, estime Michel Pleau: "Parfois nous nous rappelons une ou deux phrases obsédantes, mais ce sont les émotions ressenties qui s'imprègnent en nous subtilement et pour longtemps."
Une soif de liberté
Les amateurs de poésie se font discrets, il faut l'avouer.
Certains poètes rencontrés, comme Élaine
Bégin, étudiante en archivistique, y voient un certain
avantage: " Je n'ai pas choisi d'écrire de la poésie
dans le but d'acquérir un statut particulier, une reconnaissance
sociale, de sorte que je suis beaucoup plus libre. C'est un exercice
totalement gratuit, à la fois inutile et essentiel. Essentiel
dans le sens où il me permet de me remettre en contact
avec mes émotions , mes sentiments." Ne pas chercher
à plaire à tout prix, être authentique, pleinement
libre, voilà ce que cherchent plusieurs poètes.
"La société nous demande continuellement d'être
performant et efficace, alors, lorsque que j'écris, j'essaie
de me rappeler que je suis juste un être humain. En poésie,
nous pouvons nous permettre de faire des erreurs, de nous tromper
", explique Michel Pleau. Julie Dorval, étudiante
à la maîtrise en cinéma et poésie,
penche, elle aussi, dans ce sens: "J'écris de la poésie
parce qu'elle me permet de dérationaliser mon quotidien,
de me laisser vivre. "
Jean-Noël Pontbriand, pour sa part, a choisi cette forme d'expression parce qu'elle lui semble la plus apte à appréhender le monde des émotions: "Mon goût pour la poésie est né du désir de vivre des expériences sensibles, d'entrer en contact avec mon être ", explique-t-il. André Marceau, membre du Tremplin d'actualisation de poésie (TAP) qui organise diverses activités dans la région de Québec, voit, quant à lui, cette pratique comme une réflexion personnelle qui apporte une dimension spirituelle unique à la vie. "La poésie, c'est un souffle qui vient de nous même et non un dogme quelconque qui agirait comme un respirateur artificiel". Pour Martin Reneau, membre du TAP, "la poésie sert à traduire en mots des impressions, leur donnant ainsi une existence propre". Plus simplement, Michel Pleau et Julie Dorval ont opté pour ce chemin moins fréquenté parce que les poèmes embelliraient, l'instant d'une rêverie, la vie.
![]() |