17 février 2000 |
"Monsieur le recteur, Mesdames et Messieurs, je sens qu'il y a beaucoup d'émotion dans l'air, aujourd'hui. En effet, depuis que je suis arrivée à Québec lundi soir, l'accueil a été exceptionnel et chaleureux. Un honneur comme celui que je reçois, ce matin, me touche particulièrement. D'abord parce que je sais très bien que vous êtes des gens très occupés. De vous voir ici si nombreux et de voir que vous avez revêtu vos toges d'apparat représente beaucoup dans cette institution qui, nous le savons, a des critères de sélection et a des critères d'excellence aussi poussés et aussi élevés. Dans un certain sens, tout ce que je peux vous dire, c'est "merci ". Merci du fond du cur de me donner un encouragement aussi percutant et que j'espère mériter, mais surtout que j'espère pouvoir utiliser pour continuer.
Nous venons de passer le fameux cap de la date de l'an 2000. Je dis bien "date" plutôt que d'utiliser un concept autre qu'une date. Il s'est agi d'un moment où nous nous sommes penchés beaucoup vers le passé pour essayer de comprendre ce que nous avions accompli au cours des deux derniers millénaires. Mais aujourd'hui je crois que nous sommes tournés vers l'avenir. Une institution comme l'Université Laval est tournée vers l'avenir puisqu'elle se consacre à la recherche et à la formation de nos jeunes qui, eux, sont notre avenir. | |
Photo Marc Robitaille |
L'exploration de l'espace n'est qu'un exemple de ce type de quête de la connaissance, qui permet de pouvoir repousser les limites de ce que l'on connaît. Cette exploration, elle, est intrinsèque et propre à la nature humaine. Elle est là. On ne peut pas l'éviter. On ne peut pas tourner le dos aux défis: voilà qui fait partie de la nature humaine. L'exploration a fait partie de notre passé, fera partie de notre futur et elle fait résolument partie de notre présent. Bien entendu, pour pouvoir trouver cette connaissance, pour pouvoir accomplir cette quête, pour pouvoir exercer le savoir et l'utiliser pour en faire bénéficier l'ensemble de la communauté humaine, il faut quelques éléments de base. Et si vous me permettez quelques minutes j'aimerais en partager quatre avec vous tous.
D'abord il faut un peu de volonté, de vouloir, d'ambition. La volonté de se renouveler. La volonté de se remettre en question. La volonté d'y mettre l'effort, les ressources. La volonté de vaincre l'apathie, la routine, la complaisance, afin de pouvoir progresser. Sans cette volonté, ce désir, cette passion, on ne chercherait pas. Un second élément de base est fondamental : c'est le travail d'équipe. On n'accomplit rien seul. On ne peut pas créer la vie. On ne peut pas avancer, on ne peut rien être. Tous les projets d'envergure, quels qu'ils aient été à travers l'histoire, ont toujours été accomplis par la volonté et la force des gens uvrant en équipe, collaborant, essayant de s'entendre malgré les différences et malgré les préjugés. Il y a aussi un troisième élément de base que vous offrez ici, dans cette université, à chaque jour : la compétence de base. Les habiletés sans lesquelles on ne peut rien réaliser, ce sont les outils que nous utilisons pour accomplir nos objectifs qui, eux, proviennent de la volonté et du travail d'équipe. Et cette compétence, elle est essentielle. On ne peut pas commencer à entreprendre un travail ou une construction, ou encore l'exploration des étoiles et des autres planètes sans une compétence. Nous devons comprendre qui nous sommes, comment le monde fonctionne. Le monde physique, le monde psychologique et psychique. Et ensuite il faut se donner les outils pour avancer.
Le problème, vous le savez, c'est que plus on en connaît, plus on se trouve ignorant. Et qu'au fond tout reste encore à accomplir. On n'a rien fait. On a tellement encore à faire. Et ce qui est encore peut-être plus important, c'est que lorsqu'on aura l'impression d'avoir atteint nos objectifs, eh bien, il faudra recommencer de nouveau parce que, et c'est bien dit (ça ne vient pas de moi), le plus grand obstacle au progrès, c'est l'illusion du savoir, c'est de croire que l'on connaît tout, c'est avoir ce sentiment qu'on sait tout. Le jour où on arrive à ce point, c'est précisément le jour où on commence à régresser. Et de là vient mon quatrième point.
L'autre élément de base pour explorer et pour avancer, c'est l'humilité. L'humilité de se retourner vers soi, d'explorer, d'essayer de chercher ce que l'on peut apporter et de se dépasser constamment. Cette quête n'arrête jamais. Bien sûr, c'est un peu frustrant. Alors je vais encore une fois emprunter des mots à quelqu'un d'autre. Étant juste une ingénieure, je dois emprunter les mots à ceux qui savent mieux écrire et parler que moi, parce que je veux vous laisser sur une dernière pensée.
Au fond, sans la vision, sans la passion, sans l'imagination, le progrès arrêterait encore une fois. Et je veux vous citer une phrase. Je vais la citer en anglais parce que je la connais mieux en anglais, bien qu'elle a été écrite d'abord en italien. Je dois avoir la bonne citation: c'est celle d'un savant, d'un artiste, d'un scientifique qui fut aussi un philosophe, un peintre qui pensait il y a 500 ans qu'il voulait voler. Ça le brûlait, ça l 'obsédait: il voulait voler. Il voulait explorer les cieux et évidemment, il rêvait d'aller dans les étoiles. Il s'agit de Léonard de Vinci. Et, bien entendu, il y a 500 ans, on était loin encore de pouvoir voler. Pourtant, Léonard de Vinci a écrit : "Once you've tasted flight, you will forever walk the earth with your eyes skywide, for there you have been, and there you will always long to return ". Cet homme n'avait jamais volé.
Je vous remercie du fond du coeur. "
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