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17 février 2000 ![]() |
La critique du libéralisme est bel et bien morte. Des oppositions naissent, certes, depuis quelques années, mais elles grandissent sans déroger aux règles de cette nouvelle orthodoxie. Voilà le constat qu'a fait François Demers, professeur au Département d'information et de communication, conférencier invité dans le cadre du colloque "Le bogue du développement: reprogrammer nos idées ", organisé le 5 février par le comité local de l'Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) de l'Université Laval.
Une reconfiguration des communications internationales se dessine actuellement, selon François Demers, et elle reposerait sur ce qu'il appelle "des trous noirs", apparus au cours des années 1980, dans le cadre de la fin de la guerre froide et créés par la dissémination des deux grandes filières d'opposition que constituaient les partis de gauche et les mouvements ouvriers, l'effondrement du communisme et la victoire du libéralisme ou, plus précisément, de la "pensée unique" qui le supporte et l'accompagne. Un libéralisme qui s'appuierait sur un certain nombre de prescriptions normatives, notamment l'idée que le progrès, le futur, c'est le libre-échange, qu'il faut se doter de mécanismes pour se défendre contre les multiples abus possibles des États et que la démocratie représente maintenant le moyen par excellence de les contrôler.
De nouveaux joueurs sur la Toile
À l'heure actuelle, les organisations internationales,
comme la Banque mondiale, le FMI, l'OTAN, l'ONU et l'UNESCO, les
médias mondiaux comme CNN et TV5, les organismes non gouvernementaux
(ONG), à vocation humanitaire ou écologique, sont
devenus les grands joueurs sur la scène internationale.
Et ce sont ces joueurs, selon François Demers, qui contrôleraient
la nouvelle toile mondiale des communications. C'est notamment
à l'intérieur des ONG que se reconstruiraient des
réseaux d'opposition. "Des ONG s'affirment de plus
en plus comme des acteurs internationaux, ils jouent un rôle
d'opposition face aux organisations internationales, mais il ne
faut pas perdre de vue que leurs revendications s'inscrivent à
l'intérieur même du cadre imposé par le libéralisme,
fait remarquer François Demers. La cause de l'égalité
que défendaient anciennement les socialistes et les autres
groupes de gauche a été complètement évacuée
du jeu pour faire place à celle de la démocratie.
Certains organismes humanitaires s'attribuent par exemple un rôle
de surveillance des États et d'autres se portent essentiellement
à la défense des droits des minorités."
Ces groupes feraient tous beaucoup de bruit, et des actions, certes,
louables, mais aucun ne porterait un véritable regard critique
sur le libéralisme. "Ce qui importe aujourd'hui, ce
n'est pas de discuter en profondeur les enjeux, mais d'avoir le
droit de s'exprimer publiquement. On se bat essentiellement pour
la liberté d'expression ", constate François
Demers.
Un réseautage accru
Le développement des nouvelles technologies, comme
Internet, ne change rien à cette nouvelle donne puisqu'il
n'aurait pas d'autre impact que celui d'accélérer
le processus de réseautage permettant de mettre sur pied
des coalitions et d'organiser des manifestations publiques spectaculaires.
Ces coalitions répondraient du coup à la logique
médiatique actuelle. "Les médias mondiaux,
à quelques exceptions près, n'exposent pas davantage
un point de vue critique, fait valoir François Demers.
Ils diffusent un certain type d'information, dont la caractéristique
principale est d'être des liturgies. Pour jouer le jeu,
les ONG organisent des contre-liturgies en réponse à
celles des grandes organisations internationales. Pensons, ici,
aux événements de Seattle, de l'APEC et de l'AMI.
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