10 février 2000 |
LA CHARGE DE L'ORIGNAL... RATIONNEL!
La lecture de l'article "Les contradictions d'une école
confessionnelle", paru l'édition du 20 janvier du
Fil, m'a causé un certain émoi. J'ose paraphraser
le titre de la fiction dramatique du regretté Claude Gauvreau
car on y retrouve une tentative d'exprimer les contradictions
de la condition humaine et une dénonciation des interventions
rassurantes de la "science" moderne. Mais le mémoire
publié dans vos pages, prétendant apporter un éclairage
pertinent au problème débattu, verse dans une rhétorique
farcie de clichés et de généralisations faciles.
Il a d'abord été soumis à la Commission parlementaire
de l'éducation, qui devait être à l'écoute
de toutes les interventions, les recevant à tout le moins
comme l'expression de l'opinion publique. Reproduit dans le journal
Au fil des événements, on le regarde alors
davantage comme un témoin de la réflexion d'universitaires
intéressés à la chose publique, d'autant
plus significatif qu'ils se rattachent aux sciences de l'éducation.
Malheureusement, le texte laisse l'intelligence sur son appétit
sur plus d'un aspects abordés.
Présentée comme le déterminant essentiel et universel de la personne humaine, cette rationalité semble signifier que l'intelligence réflexive et critique trône en maître dans l'univers psychique, sans liaison avec les autres composantes habituellement reconnues telles l'imagination, la mémoire, etc. Cette perception trop restreinte de la rationalité s'accompagne d'une représentation naïve de la science. On signale que la sagesse humaine et la science "découvrent" ce déterminant et les autres (nullement nommés), alors que la plupart des auteurs parlent aujourd'hui que de telles notions philosophiques ou scientifiques sont construites ou élaborées: par exemple, les lois de la nature sont considérés comme des constructions intellectuelles et culturelles et non des entités empiriques ou parapsychologiques qui sont découvertes à un moment donné telle une nouvelle planète. D'ailleurs, "l'homme est un animal raisonnable" est reconnu depuis des siècles: le problème demeure de situer le rôle de la raison dans l'ensemble de la personne.
Procédant de manière abstraite, les auteurs dénoncent les conséquences néfastes de la présentations des connaissances religieuses aux élèves, et ce particulièrement pour leur développement intellectuel. Je n'ai jamais trouvé un article basé sur des données empiriques faisant état de telles situations: dans des pays comme les États-Unis ou la France, où se retrouvent des écoles typiquement confessionnelles à côté d'autres qui ne le sont pas, aucun doute n'est soulevé quant aux dangers possibles d'un enseignement religieux confessionnel. Bien au contraire, les différences de performance relevées par des enquêtes sont souvent en faveur de écoles confessionnelles. (Je n'insiste pas sur ceci, car il peut y avoir d'autres facteurs en jeu). Il faut avoir vécu dans un autre monde pour penser que l'enseignement religieux ne fait que véhiculer des connaissances dogmatiques. Mais ce qu'il peut contenir d'éléments pouvant être qualifiés comme tels n'est pas pour autant un poison pour l'intelligence puisqu'ils sont présentés comme des croyances partagées par un groupe religieux au cours de l'histoire. La référence aux croyances, y compris à ses propres croyances religieuses, peut même constituer une matière positive pour le développement intellectuel, comme le rappelle un des pionniers des approches cognitives en pédagogie, Jerome Bruner, dans son récent ouvrage, L'éducation, entrée dans la culture, p.82s. Il y rappelle aussi l'importance de tenir comte des représentations sous forme d'image, et non seulement des concepts, dans toute démarche éducation. On peut être contre la confessionnalité scolaire, pour des raisons sociales et politiques certes, mais pas pour les motifs pédagogiques invoqués. Dans la même veine, le malaise des enseignants et enseignantes quant à la confessionnalité ne doit pas être isolé des autres contraintes que comporte leur tâche.
En dépit des représentations sociales bien présentes, tout ce qui est appelé " guerre de religions" n'implique pas que les gens se battent pour défendre leurs croyances ou sous la pression de leurs chefs religieux. Même les schismes sont abordés aujourd'hui comme la résultante de tensions politiques, économiques et autres, et non seulement comme émanant de divergences de croyances. Les auteurs postulent sans vergogne que les religions sont "une des causes majeures des conflits entre les humains"! Leur allusion au drame du Kosovo révèle leurs errements puisque ce pays, tentant de donner une éducation humanisante basée sur la science marxiste, excluait nécessairement toute particularité religieuse dans la formation scolaire (cf. Yugoslav Survey, 1989, no30, p.107-122). Les religions sont des composantes de la société civile au même titre que les autres groupes et institutions: les éléments religieux sont des faits culturels repérables dans l'ensemble de la culture. L'analyse de l'apport des religions dans la société montrent une influence certaine, qui n'est pas exclusivement négative, bien que chacun soit libre de se former un jugement raisonnable là-dessus. Affirmer que les "religions sont constamment contre le changement", y compris en ce qui concerne leur doctrine, semble gommer une partie de la réalité historique et des situations présentes.
Un regard plus attentif à ce qui s'est vécu et à ce qui se vit au Québec concernant cette question permettrait de mieux situer le rôle des parents et de mieux discerner ce qui se joue au plan culturel, c'est-à-dire au plan des symboliques d'ensemble qui alimentent et soutiennent les identités individuelles et sociales. Ce sont les parents actuels qui tiennent concrètement à la confessionnalité, et non les évêques. Les parents ont continué de se prononcer pour une école catholique ou protestante et d'envoyer leurs enfants en enseignement religieux et en animation pastorale, et leurs enfants ont semblé en profiter personnellement. Il l'ont fait pour des raisons encore méconnues, pour des raisons difficiles à exprimer quand on leur a demandé, mais pour des raisons bien présentes, sans quoi il ne l'auraient pas fait. Je suis porté à dire qu'il s'agit de raisons "religieuses" et que leurs gestes de choisir ainsi s'assimilent à une "pratique religieuse" dont pourraient faire état des études empiriques. Il est facile de gloser sur la contradiction entre le fait de ne pas pratiquer et de choisir l'école confessionnelle, encore faut-il, au delà des statistiques pas toujours nuancées, porter une attention à ce que vivent les gens dans cette situation. Les choix religieux doivent être considérés comme personnels et respectés comme tels, il n'en demeure pas moins qu'ils ont un enracinement social très fort, comme tout ce qui est qualifié d'individuel, à commencer par l'identité personnelle. Si les parents n'avaient pas choisi de la sorte, le problème ne se poseraient plus, comme le pensaient bon nombre de prophètes de malheur ou de bonheur, c'est selon... Aujourd'hui, le recours aux principes abstraits et aux droits universels ne suffit pas pour définir une solution d'ensemble. On doit admettre que les instances politiques ne sont pas là pour défendre des principes mais pour trouver les compromis acceptables. Une analyse culturelle digne de ce nom pourrait révéler davantage ce qui demeure implicite et ce qui pourrait s'offrir comme meilleur aménagement au bénéfice de l'ensemble de notre société.
En somme, bien des réserves sur le contenu de ce mémoire. Et d'autres aspects seraient encore à commenter, comme le traitement dichotomique de l'enseignement à penser et à croire, de la conception scientifique (ouverte) et surnaturelle (fermée) de l'humain. Il serait d'ailleurs surprenant que les auteurs n'aient pas profité des dépositions des autres participants pour prolonger leur réflexion et ajuster certaines de leurs positions. Plusieurs observateurs avancent que les audiences ont heureusement permis de mieux situer le débat et de développer davantage de perspectives communes au sein des diverses tendances. La question confessionnelle ne représente pas le problème fondamental de l'école, mais notre manière de l'aborder peut aider à mieux s'entendre sur les grandes responsabilités de l'école dans la société actuelle.
CULTURE MICROSOFT, NATION MICROSOFT
Lettre ouverte à Anne DeBlois
Mademoiselle DeBlois,
Après la lecture des élucubrations lyriques dont vous noircissiez ces pages dernièrement ("Aol, Time Warner, Microsoft ...et Ottawa", Fil du 27 janvier, page 8), je me permets de vous adresser ces quelques considérations.
Votre lettre ouverte au ministre fédéral de l'industrie, monsieur John Manley, commençait plutôt bien: vous y faisiez part de vos craintes face à la fusion Time Warner-AOL, donnant de nombreux détails montrant votre connaissance du sujet. Quoi de plus sain que de réagir à la concentration des médias et des entreprises de communication, quoique les lieux communs que vous utilisiez au sujet de la démocratie sonnaient bien creux face à l'importance du problème.
Ce début pouvait sembler mignon, voire charmant malgré tout; la suite, quant à elle, est carrément scandaleuse. Vous y faites en effet l'apologie de Microsoft et de ses dirigeants, et ce faisant, vous affirmez que le procès antitrust que mène le gouvernement américain contre cette compagnie n'est pas fondé, puisque "le marché nous montre pourtant qu'il n'y a pas de monopole". Voilà bien une affirmation farfelue pour une étudiante en informatique. Microsoft n'a pas de monopole? Pourtant, il est bien connu que près de 90 % des micro-ordinateurs de la planète fonctionnent sous une des diverses moutures de Windows et qu'il est pratiquement impossible aujourd'hui d'acheter un PC qui n'en soit pas équipé par défaut. N'est-ce pas là une "majorité claire"? Que vous vous disiez une "fidèle et fière cliente et actionnaire" de Microsoft peut expliquer votre attitude, mais ne l'excuse pas.
Car tout votre fatras d'incohérences et de lyrisme mal placé ne prouve qu'une chose, Mademoiselle DeBlois: les grandes entreprises ont réussi avec vous et les gens de votre acabit à s'immiscer jusqu'au plus intime de l'existence. Pour vous, le nationalisme a fait son temps : que peut bien importer aux gens de votre espèce d'être des Canadiens, des Québécois ou des Nord-Américains, puisque vous pouvez vous définir comme utilisateurs de produits Microsoft, comme d'autres portent des vêtements Calvin Klein ou conduisent une BMW? Voyons les choses en face, Mademoiselle DeBlois : vous n'utilisez pas les produits Microsoft parce qu'ils sont les meilleurs, mais parce qu'ils vous donnent accès à la "culture Microsoft", à la "nation Microsoft". Voilà pourquoi vous remerciez Microsoft d'avoir amené "le doux ronronnement d'un ordinateur dans [votre] chambre". Voilà pourquoi vous demandez avec inquiétude et affliction au ministre Manley si l'ami Gates a vraiment l'air d'un monstre sanguinaire et mégalomane lorsqu'il prend le thé sur la Colline parlementaire pour discuter de mondialisation. Vous savez, on raconte que Caligula était beau, que Mussolini pouvait être un commensal charmant et que certains membres de l'état-major nazi étaient de bons pères de famille. Ne vous laissez pas tromper par un homme à la dégaine d'adolescent attardé, je vous prie. Les dirigeants de multinationales fonctionnent tous selon les mêmes principes, qu'ils soient en informatique ou dans les plantations de bananes.
Veuillez agréer, Mademoiselle DeBlois, l'expression de mes sentiments mitigés.
LETTRE OUVERTE AU VICE-RECTEUR AUX RESSOURCES
HUMAINES
Monsieur Jacques Samson,
vice-recteur aux ressources humaines
Université Laval.
Dans une lettre adressée à M. François Hulbert, au nom de l'Université Laval, vous vous dissociez des allégations qui ont mis en cause sa compétence, son honnêteté et sa probité dans l'exercice de ses fonctions au Département de géographie.
Or, dans un article paru dans La Presse du 25 janvier 2000, vous déclarez: "Je n'ai pas écrit ça pour porter un blâme à l'égard de M. De Koninck". On ne peut que s'interroger sur les raisons qui vous ont amené à faire une telle déclaration.
D'une part, nous savons tous que M. Rodolphe De Koninck est l'auteur de la lettre contenant les allégations qui ont conduit à la poursuite en diffamation. D'autre part, votre lettre, qui a pour but de rétablir la vérité et de disculper M. François Hulbert de toutes les accusations portées contre lui, a été écrite dans le cadre d'une entente hors cour devant mettre un terme à la poursuite contre M. De Koninck.
Votre attitude signifie-t-elle que n'importe quel professeur peut, comme M. De Koninck, porter de fausses accusations contre un collègue, sans risquer le moindre blâme et avec l'assurance que l'Université prendra sa défense en défrayant ses frais judiciaires?
Si la réponse est oui, c'est inadmissible, et la porte ouverte à tous les coups bas et tous les règlements de compte.
Si la réponse est non, doit-on en conclure que l'Université Laval accorde à M. Rodolphe De Koninck un traitement particulier et une protection privilégiée qui l'autorise à ne pas répondre de ses actes?
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