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27 janvier 2000 ![]() |
Inspiré de l'opinion de la Cour suprême sur la sécession du Québec, le projet C-20 consisterait, selon certains, en la mise en place d'un cadre enchâssant le processus sécessionniste afin d'éviter que le Canada ne soit pris au dépourvu. Telle n'est pas ma lecture. J'y vois plutôt un projet qui, fort de l'appui des partis fédéralistes, vise à contrer l'accession du peuple québécois à la souveraineté.
Au moins quatre points corroborent ma lecture : 1) le pacte explicite de tous les partis politiques fédéralistes pour ne négocier que la sécession; 2) une priorité accordée au parlement canadien pour définir le clair et le "négociable"; 3) l'allongement consécutif de la portée de l'impératif de courtoisie internationale; et 4) un processus complexe de négociation maximisant l'obligation de courtoisie tout en donnant une ultime chance au Canada de dissuader le peuple québécois.
1. Ce projet existe parce que le Parti québécois a été élu en 1998. Pour le Canada, cela comporte un risque. Ce parti peut remporter un référendum visant à négocier une souveraineté avec partenariat, projet de son programme actuel, ou à faire sécession, deux avenues possibles. De toute évidence, la dernière est la préférée du gouvernement Chrétien car peu probable selon les sondages. Aussi bloque-t-il la première sachant qu'elle obtient un plus grand support et, de ce fait, peut conduire, par étapes, à l'indépendance du Québec.
Élément important, cette approche reçoit l'aval de tous les partis fédéralistes. En chur, ils disent au peuple québécois d'aller se faire cuire un uf s'il entend négocier une souveraineté avec partenariat. Jean Charest partage leurs vues, son ambition étant d'être un cogestionnaire provincial plutôt que Premier ministre du Québec. Dorénavant, au pays de Trudeau, le Québec prendra son trou, façon Chrétien ou façon Charest. Mario Dumont l'a bien compris. Le peuple québécois est sous attaque et il n'y a plus d'espace pour des solutions mitoyennes négociées à deux. Seuls sont possibles des parcours qui conduisent de Meech à Charlottetown ou des aménagements à la convenance des parlementaires canadiens.
2. Pour ceux et celles qui refusent ce carcan, la sécession devient la seule issue. Il fallait toutefois la rendre difficile et risquée. Les questions posées à la Cour suprême avaient cet objectif. Il ne fut pas atteint. En reconnaissant le droit du Québec à la sécession, cette cour opina qu'une déclaration unilatérale ferait sens si le Canada refusait de négocier. Dans ce cas, le droit international prévaudrait. Le Premier ministre du Québec a vite compris qu'il y avait là une brèche. Une question claire et une réponse claire obligeaient le Canada à négocier. Quelle horreur! Le Très Honorable Président du Conseil privé de sa Majesté a donc concocté le projet C-20 en vue d'accorder priorité au droit canadien sur le droit international.
Pour bien saisir sa pensée, il faut savoir que ce loyal serviteur n'a jamais prisé que la Cour suprême, contrairement à l'esprit de la Common Law, ne donne pas priorité au droit canadien. S'inspirant des pratiques britanniques en matière de sécession, il décida de doter la Chambre des communes d'un pouvoir d'arbitrage sur trois points: 1) la question; 2) la réponse; et 3) la négociation. Cette chambre tranchera sur les deux premiers après les avoir définis a posteriori et statuera le moment venu sur la négociation. Adoptée, cette loi légalisera donc la subordination du peuple québécois.
3. Légaliser une subordination n'est pas sans risque. Le peuple concerné peut rebondir. Il faut alors miner ses appuis potentiels sur la scène internationale. Pour comprendre cela, rappelons-nous qu'il y a deux voies qui conduisent à la souveraineté. La première a pour base la reconnaissance par l'État-souche. La seconde s'active avec la reconnaissance d'un ou plusieurs États tiers. Comme l'a signalé Edward McWhinney (Le Devoir, 24-4-95), cette deuxième voie s'enclenche dans un cadre où l'impératif de courtoisie internationale s'applique. Pour l'essentiel, cet impératif contraint les États reconnus à éviter toute précipitation et à prendre en compte l'attitude de l'État-souche.
En votant cette loi, la Chambre des communes incitera les États nationaux à être courtois à l'égard du Canada. Bientôt, pour les convaincre, des parlementaires canadiens s'agiteront partout pour dire que le Canada ne s'oppose pas à une sécession du Québec respectueuse de cette loi. Ils avanceront même que le Canada est l'un des rares pays doté d'une loi en cette matière, au demeurant plus accommodante que celle de l'ex-URSS.
4. C'est ainsi que le Canada aura en main, du moins temporairement, ce que recherchait le ministre Dion avec sa troisième question à la Cour suprême, soit donner priorité au droit canadien et rendre difficilement recevable une déclaration unilatérale. Je dis temporairement parce qu'en cette matière la retenue des tiers États a des limites. Tôt ou tard, le Canada peut être la cible de pressions s'il tergiverse de façon indue ou prétend, à l'encontre du bon sens, que la question ou la réponse n'est pas claire.
Les rédacteurs du projet C-20 y ont pensé. Aussi, ont-ils imaginé un processus complexe, évoqué par la Cour, pour négocier la sécession. Pourquoi? Pour gagner du temps car le temps, au Canada, a toujours été un atout pour endormir le Québec. Avec cette loi, ce temps vise à contrer toute négociation rapide à l'image de celle envisagée par les souverainistes en 1995 et à forcer les États nationaux à plus de retenue. Mieux, avec ce temps, les fidèles serviteurs de sa Majesté pourront s'agiter à convaincre le peuple québécois de revenir au bercail. C'est seulement lorsqu'il est au bercail qu'ils peuvent assumer leurs rôles de serviteurs conformément aux attentes propres à l'Indirect rule, qu'on retrouve dans l'Acte de Québec, et reconduites en 1791, 1840, 1867 et 1982.
Alors, que faire? Dans l'immédiat, agir sur deux fronts sans négliger la gouverne du Québec. Un premier pour dénoncer ce traquenard et faire état, sur toutes les scènes imaginables, des contraintes de cette loi et des conséquences de demeurer dans ce pays. Un second pour inviter les Québécois et Québécoises, toutes origines confondues, à construire le Québec souverain et, le moment venu, à donner congé à ces serviteurs québécois. Ce sont là choses plus importantes que gérer ou cogérer le quotidien, quémander, faire des courbettes ou regarder passer le train.
Monsieur Bouchard, les forces vives du Québec sont prêtes
comme jamais à passer aux choses importantes. N'écoutez
pas les chantres de la reddition. Construisez avec ces forces
vives. Rapidement, les frileux emboîteront le pas. Et plus
rien n'arrêtera le peuple québécois. Surtout
pas ce projet de loi. Et en 2001, le Québec sera souverain.
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