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14 octobre 1999 ![]() |
La phase "aventure" du projet international NOW (International North Water Polynya Study) a pris fin mardi avec le retour à Québec du brise-glace Pierre-Radisson. Le navire de la Garde côtière canadienne, converti pour l'occasion en navire scientifique, rentrait d'une dernière mission de sept semaines effectuée dans l'océan Arctique. En 1997, les chercheurs avaient passé 19 jours dans la polynie dans le but de sonder le terrain et d'effectuer des tests avec leurs instruments. L'année dernière, ils y avaient séjourné plus de quatre mois pour réaliser le gros des travaux.
Ces trois missions scientifiques, pilotées par le Groupe interuniversitaire de recherches océanographiques (GIROQ), ont amené 130 chercheurs de 61 labos canadiens, américains, japonais, danois, belges, anglais, mexicains polonais et français à sillonner les eaux de la polynie du North Water, dans le but de percer l'un des mystères de l'océanographie moderne: les polynies arctiques. Dans cette région située entre la Terre d'Ellesmere au Canada et la côte ouest du Groenland, ils ont pêché des tonnes de données qui serviront à expliquer la productivité biologique élevée des polynies, ces grandes étendues d'eaux libres de glace, retrouvées au coeur des mers gelées. D'énormes populations de poissons, d'oiseaux marins, de phoques, d'ours polaires et de baleines utilisent ces eaux comme aires d'alimentation, d'hivernage et de reproduction.
Depuis les années 1960, des chercheurs d'ici et de l'étranger rêvaient d'étudier en détails ce qui se passe dans ces polynies, en particulier celle du North Water parce qu'elle constitue l'archétype de cet écosystème, raconte Louis Fortier, directeur du GIROQ et leader scientifique du projet NOW. Grâce à une subvention de 4,9 M$ du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada et à la participation de nombreux partenaires qui ont investi près de 30 M$, le rêve est devenu réalité.
L'expédition a déjà permis d'élucider de nombreuses questions portant, entre autres, sur les mécanismes de formation de la polynie et sur les causes de sa si grande productivité biologique. "La biomasse d'algues de la polynie compte parmi les plus élevées au monde, dit Louis Fortier. La production algale s'étend sur presque six mois alors qu'elle ne dure que six semaines ailleurs dans l'Arctique. Cette productivité est maintenue grâce à un apport continuel de sels minéraux provenant de plusieurs sources."
L'aventure arctique du projet NOW est terminée mais la partie la plus stimulante sur le plan intellectuel commence, estime Louis Fortier. "Nous avons vraiment réussi à former un réseau de recherche tricoté serré et nous voulons maintenir cette cohésion. On dispose d'un ensemble de données exceptionnelles et on ne veut pas répéter l'erreur de plusieurs autres grands projets où chacun est reparti dans son labo avec ses données. Tout est en place pour résoudre cet écosystème si nous parvenons à intégrer nos spécialités et à faire l'hybridation des résultats. Nous voulons maintenir le réseau pour un éventuel projet plus vaste encore sur l'écosystème arctique." Le bateau est rentré au port mais la véritable aventure scientifique ne fait que commencer.