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Annuellement, comme pour marquer le commencement de la nouvelle
année scolaire, l'Université Laval procède
à la remise de son Prix d'excellence en enseignement.
Créé à l'initiative du Réseau de
valorisation de l'enseignement, ce prix, accompagné d'une
bourse de 10 000 $, vise à souligner la stabilité
et la fidélité de l'engagement d'un professeur
envers l'excellence en enseignement, au trois cycles de la formation
universitaire. Si le récipiendaire de cette année,
Zhan Su, professeur titulaire au Département de management,
compte à peine neuf ans d'expérience à l'Université
Laval, il a déjà vu la qualité de son enseignement
récompensée par un prix Hermès (1995) de
la Faculté des sciences de l'administration.
Périple planétaire
Chine, France, Canada: ces pays qui l'ont vu grandir et se
former, de périodes de révolution en réformes,
ont offert à Zhan Su un terrain fertile pour vivre des
situations culturelles différentes. Il en est ressorti
un homme à l'esprit ouvert, aux perceptions élargies
et au sens critique remarquable, des qualités teintées
par une ténacité toute orientale, par la profondeur
et l'élégance européennes et par l'approche
pratique qui marque la culture nord- américaine. "L'important,
c'est d'essayer de combiner tout ça, d'en profiter au
lieu de résister ou de devenir acculturé ou assimilé,
tout bêtement", fait valoir Zhan Su. Coordonner, agencer,
voilà les pivots autour desquels semble centré
le quotidien de ce jeune professeur qui parvient à concilier
les contraintes assez lourdes de la vie de chercheur et les exigences
d'une pédagogie vivante. "Zhan Su entretient une
espèce de synergie entre toutes les fonctions universitaires
et c'est assez rare que quelqu'un puisse réussir aussi
bien comme chercheur que comme enseignant", mentionne Jacques
Grisé, directeur du Département de management.
Dichotomie pédagogique
La conception de l'enseignement et la pédagogie soulèvent
depuis toujours débats et passions. De façon caricaturale,
Zhan Su dégage deux écoles de pensées: d'un
côté, celle qui veut que le rôle d'enseignant
soit essentiellement de transmettre des connaissances, de l'autre
celle privilégiant l'interaction comme moyen d'aider les
étudiants, devenus sujets de l'éducation, à
se développer et à reconnaître leur propre
potentiel. "J'oserais dire que je me situe entre les deux,
de préciser Zhan Su. On doit aider les étudiants
à développer toutes leurs capacités de savoir-être,
de savoir-vivre. Il faut qu'un prof soit capable d'abord lui-même
de vivre de cette façon là." Un rapprochement
humain qui se traduit chez Zhan Su, comme le souligne un de ses
étudiants, Boris Murray, finissant au baccalauréat
en Gestion Internationale, par "un humour désinvolte,
mais également par une disponibilité totale envers
ses étudiants".
Savoir gérer son temps
Si certains collègues et étudiants le soupçonnent
de négliger ses heures de sommeil au profit de son enseignement,
Zhan Su se fait plus discret sur ce point plus personnel, cherchant
l'échappatoire dans la plaisanterie, mais il se défend
bien d'agir comme un robot qui a sacrifié quelque chose.
De son discours se dégage la nécessité d'être
efficace. Pour illustrer son propos il s'appuie sur ce qu'il
appelle "la loi de l'effet par apprentissage" qui démontre
de quelle façon la quantité de travail se trouve
réduite quand le contact avec la matière devient
plus familier. Cette gestion intelligente du temps lui permet
de diversifier ses activités entre la recherche, l'élaboration
de nouveaux cours, la rédaction d'articles, tout en préservant
une disponibilité pour orienter les travaux et voir à
l'épanouissement intellectuel de ses étudiants.
Qualité d'encadrement que souligne Louicius Michel, étudiant
au doctorat en Sciences de l'administration, qui boucle, en à
peine quatre ans, son passage au troisième cycle, ce qui
est une première dans cette faculté. Il accorde
une partie de crédit de cet exploit à son directeur,
Zhan Su: "Le séjour d'un étudiant au programme
de doctorat dépend en partie de la qualité de l'encadrement".
La gestion est une science qui n'est pas dépourvue
d'art. Un art qui commande au perpétuel renouvellement
de la matière et qui se traduit, chez Zhan Su, par l'actualisation
de ses plans de cours, mais également par l'ajout d'exemples
concrets. Effet d'entraînement oblige, ces exemples concrets,
en plus de rendre vivant son enseignement, comme le souligne
Louicius Michel, stimulent la curiosité et la créativité
des étudiants. "En trouvant un support concret aux
éléments qu'il expose, Zhan Su incite l'étudiant,
dans une certaine mesure, à participer et à générer
une interaction permanente entre le théorie et la pratique."
Une approche qui pousserait ses étudiants à se
dépasser sans cesse.
À l'heure de l'ordinateur portable
Le virage technologique n'est pas un mirage à la Faculté
des sciences de l'administration, où les étudiants
de premier cycle transportent sous leur bras leur ordinateur
portable, cet automne, avec le démarrage du projet Ulysse
( voir le Fil du 26 août). "Ces technologies nouvelles,
l'enseignant doit voir à les intégrer à
même sa pratique pédagogique. Mais il ne faut pas
perdre de vue que ce n'est qu'un moyen, prévient Zhan
Su. Qu'importe l'outil, qu'il soit informatique ou plus conventionnel,
ça reste un moyen. L'important c'est de former les étudiants,
pas de les informer. Autrement dit on est là pour que
les gens acquièrent non seulement des connaissances, mais
aussi développent leurs capacités par l'apprentissage.
Dans ce cas on ne peut pas uniquement se contenter d'imposer
des contenus. Il faut voir en ces outils une autre façon
de favoriser l'interaction."
Quand il pose les yeux sur le milieu universitaire, Zhan Su
considère qu'il y a encore du travail à faire sur
le front de la pédagogie et que les cours magistraux doivent
être contrebalancés par différentes approches
comme la participation et les compétitions à l'extérieur.
Mais à ses yeux il y a un autre élément
qui importe: la passion du professeur lui-même:"Si
les étudiants voient que le prof travaille avec passion
auprès d'eux, je pense que la passion des étudiants
en sera grandie. Si le prof est là pour imposer, ils seront
découragés rapidement."
HÉLÈNE MCCLISH
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