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9 septembre 1999 ![]() |
Les Caisses populaires Desjardins occupent une place importante
parmi les institutions québécoises. Plusieurs hypothèses
soutiennent l'idée que la force de coopération qu'elles
représentaient soit maintenant révolue. Soumises
à une logique d'adaptation nécessaire au courant
néolibéral, les Caisses populaires Desjardins se
créent une carapace et tentent du mieux qu'elles le peuvent
de légitimer leurs actions. Mais elles ne sont pas les
seules
J'ai récemment mené une petite enquête personnelle auprès des Caisses populaires Desjardins sur l'implantation de plusieurs services automatisés, plus précisément en ce qui concerne leur processus de transfert du service aux membres des comptoirs vers les guichets automatiques . La conclusion la plus inquiétante est sans aucun doute la suivante: ce que les Caisses populaires Desjardins semblent vouloir instaurer au cours des prochaines années (et cela semble être la tendance un peu partout) ressemble davantage à des rapports homme-machine. Plus précisément, au nom d'une loi, celle du marché (qui, ironiquement, n'a jamais été votée), on semble vouloir dépersonnaliser tous les rapports humains au nom du profit, d'une économie de temps, de l'épargne et du perpétuel bon service à offrir aux membres.
Nouvelles technologies vs notion de contrôle
Les nouvelles technologies permettent de réaliser des
choses fort intéressantes, nous en conviendrons. Allant
dans ce sens, des tests concernant l'argent électronique
et les cartes à puces sont en vigueur présentement
dans certaines écoles et caisses de la région de
Québec et de Sherbrooke ( la carte Mondex ). Si les résultats
sont concluants, nous pouvons faire l'hypothèse selon laquelle
le pas vers l'argent électronique deviendra une option
alléchante pour certains. Mais cela n'est pas sans soulever
de nombreuses interrogations quant à la notion de contrôle
et à l'implantation d'éléments de contrôle
qui sont mis en place dans la vie de tous les jours: les cartes
de guichets automatiques, Internet, caméras de surveillance...
Par exemple, saviez-vous qu'il est possible de repérer
un individu par le seul fait que ce dernier effectue un achat
par la carte de guichet automatique?
Dans le même ordre d'idées, il suffit de se rappeler l'ampleur d'une crise telle que le verglas pour comprendre que diverses situations peuvent facilement plonger ces technologies dans un gouffre important, d'où il devient difficile de sortir. Ainsi, n'ayant plus d'argent en billet, nous sommes à la merci de l'électricité et de ceux qui la contrôle. Bref, les nouvelles technologies constituent une avenue intéressante lorsqu'elles sont en mesure de fonctionner adéquatement. Sinon, c'est un casse-tête inimaginable.
Les Caisses populaires Desjardins ne sont pas les seuls acteurs financiers à utiliser de telles démarches. En effet, il y a quelques semaines, certaines succursales torontoises des banques Royale et CIBC faisaient l'essai de nouveaux guichets automatiques capables de vous identifier par l'iris de votre il. Le quotidien Le Devoir nous apprenait même que ces guichets sauront vous accueillir par votre nom et vous souhaiter joyeux anniversaire! Il s'agit en quelque sorte d'une transposition des rapports personnels sur le plan virtuel. Ces services sauront-ils gagner le coeur des membres des caisses? À l'inverse, le fait de questionner l'implantation de ces services fait-il de nous des réactionnaires?
Les Caisses populaires Desjardins n'aiment pas la critique
Le lendemain de la publication de ma brève analyse
des services automatisés dans le journal Le Devoir, la
Direction des affaires publiques des Caisses populaires Desjardins
manifestait son intérêt de m'interroger au sujet
de certains de mes propos contenus dans le texte en question.
Bien que la plupart d'entres eux soient "vérifiables"
selon elle, la Direction des affaires publiques justifiait cette
restructuration en s'appuyant sur l'argument de la nécessité
d'intervenir dans la situation critique où se trouvent
présentement les Caisses populaires Desjardins. En fait,
il semblerait que les caisses n'aient pas le choix d'agir de la
sorte, leur principal argument reposant sur le fait que la mondialisation
soit un phénomène inévitable. En d'autres
termes, sans adaptation, les caisses ne peuvent espérer
vivre longtemps dans un tel contexte où seul le courant
néolibéral sait se procurer des lettres de noblesse.
Par contre, comment devient-il possible, entre autres, pour un gérant de caisse d'en arriver à exiger de ses propres caissières de donner des directives aux membres qui risquent de menacer directement leurs propres emplois. En effet, lorsqu'une personne se présente au comptoir pour payer une facture donnée, voilà que la caissière se voit dans l'obligation d'informer cette dernière que les frais d'utilisation pour ce type de transactions sont moins élevés au guichet automatique (0,40$) qu'au comptoir (1,50$). Imaginez les relations de travail qui peuvent découler de ce type de directive. Nous pourrions croire que nous assistons à une forme de promotion de l'auto-mise à pied.
Bien sûr, il est triste de voir de telles réalisations se plier soudainement aux grands diktats économiques. C'est donc aux membres de faire savoir leur mécontentement ainsi qu'aux employés(es) de ne plus accepter des directives compromettantes. Il faut savoir imposer des limites à ceux qui ne cessent de les repousser au nom de la compétitivité. Cependant, ne perdons pas espoir: les Caisses populaires Desjardins peuvent et doivent survivre dans un contexte d'économie mondiale, ne serait-ce que pour préserver cette approche originale québécoise du secteur financier.
Puissent un jour les Caisses populaires Desjardins retrouver l'incroyable force de la coopération qu'elles furent jadis. D'ici là, vous pouvez toujours en parler aux guichets automatiques et aux caissières, pendant qu'il en reste.