9 septembre 1999 |
Parmi les joueurs de baseball qui frappent du côté gauche du marbre, ceux qui lancent de la gauche ont davantage le profil du frappeur de puissance que ceux qui lancent de la droite. En revanche, ces derniers sont moins susceptibles d'être retirés au bâton que les gauchers. Voilà quelques-unes des observations intrigantes effectuées par des chercheurs qui ont analysé les performances des joueurs de baseball en fonction de la main qu'ils utilisent pour lancer la balle et du côté du marbre où ils affrontent les lanceurs.
Les résultats obtenus par le chercheur Simon Grondin, de l'École de psychologie, et par ses collègues Yves Guiard de France, Richard Ivry de Californie et Stan Koren de l'Ontario, révèlent une influence significative de la main utilisée pour lancer la balle sur la performance au bâton des frappeurs gauchers. Depuis les débuts du baseball majeur, les gauchers frappant de la gauche ont maintenu une moyenne de puissance d'environ .390 contre .380 pour les droitiers frappant de la gauche. Même scénario pour le pourcentage de circuits avec 1,8% pour les gauchers contre 1,6% pour les droitiers. Toujours à gauche du marbre, les gauchers sont plus fréquemment retirés sur des prises (11,1% des présences) que les droitiers (10,3%). La taille et le poids des joueurs ne peuvent expliquer ces différences puisque leur gabarit s'équivaut, ont démontré les analyses des chercheurs effectuées à partir de la banque de données Total Baseball qui collige toutes les statistiques du baseball majeur depuis 1871. "Il s'agit là de tendances dégagées à partir de l'observation de 1 059 joueurs frappant de la gauche et non d'une règle absolue, prévient Simon Grondin. Il y a beaucoup de joueurs qui contredisent mes propos. Ça me rend malade à chaque fois", lance-t-il en riant.
Si la recherche n'a porté que sur les frappeurs gauchers, c'est que les comparaisons de l'autre côté du marbre sont hasardeuses en raison du faible nombre de frappeurs droitiers qui lancent de la gauche - on parle d'une soixantaine de cas (1,1%) tout au plus sur les 7 200 joueurs qui ont évolué dans le baseball majeur entre 1871 et 1992. Les comparaisons sont plus fiables à gauche du marbre où 60% des frappeurs lancent de la droite.
Comme au tennis?
Pour le moment, les chercheurs ne peuvent que supputer sur
les causes de ces écarts entre gauchers et droitiers. Si
on transpose la situation du baseball au tennis en se concentrant
sur l'action de la main dominante, frapper de la gauche pour un
gaucher équivaut à faire un coup droit à
deux mains, avance Simon Grondin. Pour un droitier par contre,
c'est comme faire un revers à deux mains; le coup est plus
faible mais plus fiable. Une autre possibilité est que
pour les gauchers, le mouvement de frappe se déroule dans
le même sens de rotation (horaire) que le lancer, ce qui
n'est pas le cas pour les droitiers.
"Il peut sembler étonnant qu'un professeur de psychologie spécialisé dans le domaine des perceptions comme moi mène des travaux sur un tel sujet, reconnaît Simon Grondin. C'est sûr que nos résultats peuvent intéresser les gens qui suivent de près le baseball mais, si nous avons choisi d'étudier ce sport, c'est uniquement parce qu'il présente un cas intéressant d'asymétrie des fonctions manuelles et que c'est fou ce qu'il y a de statistiques disponibles." La Journal of Experimental Psychology : Human Perception and Performance a d'ailleurs accepté de publier l'étude, une fois les arbitres de cette revue scientifique convaincus qu'il s'agissait bien d'un article sur la latéralité et non sur le baseball. Comme quoi tout est une question de perception!