22 avril 1999 |
Quand on demande à Josée Néron de donner
les raisons qui l'incitent à privilégier le thème
de l'agression sexuelle dans ses recherches, la réponse
fuse instantanément. "J'ai toujours eu l'intime conviction
que le droit d'exister pleinement appartenait aussi bien à
la femme qu'à l'homme", assure cette jeune femme sympathique
et volontaire. À ceux - et à celles - qui lui disent
d'aller (se) faire voir ailleurs, dans d'autres pays où
les droits des femmes sont carrément bafoués par
exemple, cette étudiante au doctorat en droit rétorque
fermement que les tenants de tels propos n'ont jamais connu ce
qu'est véritablement le harcèlement sexuel. Et vlan!
On l'aura compris: Josée Néron a la réplique facile en matière d'agression sexuelle, un sujet qu'elle connaît sur le bout des doigts, pour l'avoir exploré à temps plein depuis des années. "Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours eu une attitude critique face aux droits des femmes", explique d'ailleurs la chercheuse qui, dans sa thèse de doctorat, analyse tous les jugements publiés au Canada et au Québec sur le harcèlement sexuel (de 1980 à aujourd'hui), de même que les politiques institutionnelles en vigueur en milieu universitaire. Son but: comprendre les valeurs et les oppositions qui sous-tendent le discours sur le harcèlement sexuel en droit, la question étant de savoir si le droit, dans sa logique et son fonctionnement, sert vraiment l'intérêt des femmes.
Au terme de sa recherche, Josée Néron soutient que "les femmes parlent et dénoncent, mais ce qu'elles disent n'a cependant pas de sens en droit": "Les femmes ne constituent pas une réalité dans le discours juridique; leur discours n'est pas crédible. Ce qui a du sens, c'est l'expérience qui appartient aux hommes. En fait, il y a celles qui veulent porter plainte mais qui, à cause du manque de soutien, finissent par abandonner, et celles se retrouvent dans un cul-de-sac parce qu'on met en doute leurs accusations. Sans compter toutes les victimes qui ne portent pas plainte, sachant qu'elles ne seront pas entendues."
Qu'on travaille en milieu universitaire ou dans une quincaillerie,
le harcèlement sexuel prend plusieurs formes, note la juriste.
Parmi celles-ci figurent les remarques déplacées,
les plaisanteries grivoises, les frôlements et les attouchements,
la forme ultime de harcèlement étant les avances
sexuelles non désirées, avec ou sans représailles.
Dans tous les cas, le harcèlement sexuel représente
un abus de pouvoir relié au sexisme, comportant un rapport
de pouvoir hiérarchique ou pas.
Un exemple? Une rupture amoureuse entre un étudiant et un étudiante, où l'élément féminin du couple n'en finit plus de subir la violence verbale, physique ou psychologique du conjoint éconduit. "C'est dans son milieu immédiat que la victime court le plus de chances d'avoir une aide rapide et efficace, conseille Josée Néron. "Par exemple, porter plainte à un organisme comme la Commission des droits et libertés de la personne peut s'avérer un processus assez long."
En février, Josée Néron recevait le prix Laura Jamieson 1998, du nom d'une juge et députée canadienne ayant oeuvré au sein d'un grand nombre d'organisations féministes et d'organismes de bien-être social. Décerné annuellement par l'Institut canadien de recherches sur les femmes (ICREF), ce prix récompense une oeuvre de littérature féministe non romanesque contribuant à faire connaître ou à comprendre la vie des femmes. Cette distinction lui a été accordée pour son ouvrage L'agression sexuelle et le droit canadien: l'influence de la tradition, publié aux éditions Yvon Blais, en 1997. Il s'agit en fait du mémoire de maîtrise en droit "remanié" de la chercheuse qui a d'ailleurs mérité, en 1994, le Prix GREMF/Elsie-MacGill 1994 pour cette étude. Comme un honneur ne vient jamais seul, Josée Néron a également récolté pour le même ouvrage le Prix 1996 de la Collection Minerve, collection accueillant des ouvrages de très haute qualité dans tous les domaines du droit.
Consultante en droits et libertés auprès des femmes victimes de harcèlement sexuel, responsable de formation en matière de harcèlement sexuel, Josée Néron veut continuer à faire de la recherche et rêve d'enseigner un jour. Mère d'un garçon et d'une fille âgés de sept et deux ans, elle souhaite leur inculquer ce qui est primordial à ses yeux: le respect de l'autre. Très sensible à la douleur humaine, elle affirme se sentir solidaire de toutes ces femmes qui, à travers le monde, souffrent en silence, de par leur condition féminine.
"Pour moi, le féminisme constitue une interrogation sur l'avenir de l'humanité. Où qu'on soit dans le monde, il y a des femmes victimes de violence qui sont empêchées de vivre pleinement, à chaque jour de leur vie. Où allons-nous si la femme n'a pas le droit d'être un être humain?