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15 avril 1999 ![]() |
Invité le 8 avril par l'Association du Bloc québécois de l'Université Laval à s'exprimer devant une assemblée d'étudiants, Jacques Parizeau a vite retrouvé sa facon de bonhomme de professeur. Oubliés les discours vengeurs, les expressions malheureuses d'après référendum ou les longues envolées sur l'ingérence d'Ottawa dans les champs de juridiction du Québec. Avec les jeunes, l'ancien premier ministre du Québec adopte un ton un brin ironique, et saute facilement du passé à l'avenir dans une promenade dont le nationalisme constitue le fil d'Ariane.
Chantre de l'indépendance du Québec depuis les années soixante, Jacques Parizeau a voulu démontrer aux étudiants du campus que le nationalisme n'a rien de rétrograde ou de passéiste. Contrairement à toutes les prévisions, le nombre de pays dans le monde ne cesse de s'accroître et les fédérations perdent de l'importance. Mais, pour l'ancien ministre des Finances, cet accès à l'indépendance ne doit pas se traduire par un frileux repli sur soi. Il faut commercer avec ses voisins, et surtout participer aux grandes organisations mondiales de commerce, comme l'OMC. À ce propos, il lui semble d'ailleurs aberrant que le Québec ne puisse participer aux discussions de ce club réunissant près de 136 États, car les décisions prises ont des répercussions immédiates sur la vie quotidienne.
Selon Jacques Parizeau, cette absence québécoise aux grandes tables de négociation internationale risque, par exemple, de nuire au modèle culturel développé ici, car nos représentants ne peuvent défendre l'importance d'une clause d'exception pour ce type d'activité soumis aux flux commerciaux mondiaux. Il dénonce donc la volonté du Canada d'empêcher le Québec de siéger sur des instances où on débat de l'exception culturelle. "Ça prend un front de buf!", s'exclame-t-il. Et de citer, quelques minutes plus tard, l'exemple de pays comme la Belgique et l'Allemagne qui favorisent la participation de plusieurs délégations nationales aux organisations mondiales pour représenter les intérêts de leurs différentes régions.
À en croire l'ancien premier ministre, aucun État n'est jamais trop petit dans le monde pour parvenir à survivre. Il compare ainsi l'histoire de Terre-Neuve et de l'Islande, deux régions situées au Nord, au milieu des mers froides. La première a choisi en 1949 de se rallier au Canada et a vu ses stocks de morue diminuer dramatiquement jusqu'au moratoire, tandis que la seconde a réussi à imposer des mesures visant à protéger ses côtes poissonneuses. Jacques Parizeau rappelle ainsi que les Islandais ont décidé de se doter d'un droit exclusif de pêche dans une zone de 200 miles marins autour de leur île, provoquant la colère des Britanniques qui les menaçaient même avec leurs navires. Pourtant, depuis, cette zone d'exclusion est devenue la règle pour la plupart des pays.
"Ce sont les Islandais, avec leur marine côtière, leur indépendance et leur capacité de décider, qui ont fait ça. Comme disait l'ancien premier ministre de l'Islande: "On était tellement persuadés que personne d'autre ne pouvait nous aider qu'il fallait bien faire quelque chose"", rappelle le conseiller spécial du Bloc québécois, pour qui l'obstination couronnée de succès des Islandais prouve qu'une nation a les moyens de se doter d'un avenir qui lui ressemble. Il suffit pour cela d'avoir confiance en ses capacités. "Oubliez le gossage de grenouille constitutionnel, s'exclame Jacques Parizeau. Sortez, promenez-vous dans le vaste monde (...). Ce qui est essentiel, c'est de savoir qu'il y a un endroit où on peut se dire: c'est chez moi. Bonne chance!"