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16 avril 1998 ![]() |
À l'aube de l'an 2 000, le regard critique du sociologue compte plus que jamais dans le royaume des idées fausses.
Les étudiantes et les étudiants de sociologie qui souhaitent travailler dans le domaine des communications doivent savoir que la parfaite maîtrise du français écrit et parlé figure au premier rang des critères d'embauche. Viennent ensuite une bonne culture générale, une certaine aisance à évoluer dans un environnement informatisé et à manier des données quantitatives et statistiques. Point, à la ligne.
C'est ce qu'a révélé Michel Lemieux, directeur de la firme de sondage Léger & Léger Québec, lors d'un colloque portant sur les multiples facettes du métier de sociologue qui a eu lieu le 26 mars, au pavillon Alphonse- Desjardins. Organisé par les étudiants des trois cycles d'étude du Département de sociologie, l'événement visait à éclairer la lanterne des apprentis-sociologues quant à leur avenir sur le marché du travail. Ceux et celles qui pensaient que leur diplôme universitaire constituait une garantie d'emploi en ont ainsi pris pour leur rhume, les propos de Michel Lemieux tombant comme une douche froide sur l'auditoire un peu médusé devant ce (presque) désaveu de la formation universitaire.
Abondant dans le même sens, Louis Côté, vice-président chez Cossette Communications Marketing, a souligné que la créativité et l'ouverture d'esprit pressenties ou démontrées chez un candidat importaient davantage que tous les diplômes du monde quand venait l'heure de faire un choix, du moins dans le monde de la publicité. "Quand une personne est incapable d'écrire et d'élaborer correctement une idée, le fait qu'elle possède une maîtrise ou un doctorat ne pèse pas lourd dans la balance."
L'aventure est au coin de la rue
Mais revenons à Michel Lemieux qui a livré un exposé
des plus intéressants sur le métier de sociologue, "ce
préposé aux choses vagues", comme l'affirmait l'écrivain
français Ernest Renan. "Le sociologue possède un profil
assez flou, tant et si bien qu'on a du mal à saisir son utilité
pratique dans notre société, signale Michel Lemieux. Il faut
dire qu'aujourd'hui, les sociologues publics se nomment Denise Bombardier,
Robert-Guy Scully, Sonia Benezra ou Normand Brathwaite. En fait, un animateur
de télévision a davantage l'occasion de dire son opinion sur
la société que n'importe quel sociologue."
Pourtant, le sociologue est plus que jamais d'une grande utilité, à l'aube de l'an 2 000, rappelle Michel Lemieux, "ne serait-ce que pour lutter contre les idées fausses et pour détruire les généralisations et les clichés abusifs basés sur les préjugés, en un mot, pour rendre la société plus transparente. L'avenir de la sociologie est peut-être ce lieu pratique où les théories de tous et chacun sont mis à l'épreuve sur le terrain."
Pour Michel Lemieux, les champs à occuper en sociologie sont nombreux. Parmi les domaines où il a noté "une absence de regard sociologique", figurent le management et la gestion des organisations et des entreprises, le climat organisationnel, la dynamique d'une école ou d'une classe, la gestion et l'animation de groupes de discussions. D'autres problèmes actuels comme le tabagisme et le décrochage scolaire peuvent constituer des champs d'intérêt et de travaux pour tout sociologue en mal de sujets.
Déplorant la masse de données inexploitées dans les secteur public et privé et "la petite misère du financement des recherches sociologiques", Michel Lemieux a dit souhaiter que la sociologie sorte enfin dans la rue - et par là, de l'université - pour aller à la rencontre des vraies questions, derrière les apparences sociales, là où se trouvent peut-être les véritables explications des faits et gestes sociaux.