![]() |
26 mars 1998 ![]() |
Une simple rencontre peut changer le cours d'une vie. Pour Jacques Ibarzabal, ce rendez-vous avec le destin a eu lieu au début de l'adolescence, sous le soleil du midi, un beau jour qu'il marchait derrière le Séminaire de Chicoutimi. "J'ai vu deux personnes qui nourrissaient des mésanges dans leurs mains. J'ai essayé moi aussi et lorsque j'ai senti leurs petites pattes dans ma paume, le déclic s'est produit. J'ai su que l'ornithologie allait devenir une passion pour moi."
Entre cette rencontre initiatique et le doctorat sur la prédation des nids, qu'il poursuit présentement à la Faculté de foresterie et de géomatique, plusieurs événements sont venus nourrir sa passion. Le plus important est sans conteste sa participation aux camps des Jeunes Explo, un groupe d'éducation en sciences naturelles peu connu au Québec malgré ses 40 années d'existence. "La plupart des jeunes de 15 ans s'intéressent aux sports ou à la musique mais pas à l'ornithologie. Quand je suis arrivé au camp des Jeunes Explos, il y avait plein d'autres jeunes comme moi de partout au Québec qui s'intéressaient aux sciences naturelles. Je n'étais pas seul."
Nommer les choses
Ornithologue autodidacte, il trouve dans l'observation des oiseaux une réponse
au désir profond de nommer les choses. "Je me souviens d'avoir
été surpris par le fait qu'il n'y avait pas juste des moineaux
et des corneilles. J'aime mettre des noms sur les plantes et sur les animaux
que je vois. Plus tard, lorsque j'ai découvert que les oiseaux émettent
des sons spécifiques avec leur voix, ça m'a ouvert un nouveau
champ de perception pour connaître et nommer les espèces."
Aujourd'hui, il peut identifier tous les oiseaux forestiers et les oiseaux
de rivage du Québec uniquement en entendant leur chant.
Quand est venu le temps de s'inscrire à l'université, le choix a été facile. "Je ne me suis jamais cassé la tête avec ça. J'ai toujours su que mon loisir allait devenir ma job. J'ai fait une seule demande d'admission dans une seule université: biologie à l'UQAC." Suit ensuite un maîtrise sur l'écologie des sapinières pendant laquelle il apprend à identifier les graines des espèces végétales enfouies dans le sol. "Mes loisirs m'ont permis d'apprendre l'ornithologie et ma maîtrise m'a permis d'approfondir l'écologie forestière. J'ai eu envie de faire un doctorat pour rassembler les deux et pour aller chercher des connaissances qui me manquaient."
Les recherches qu'il mène présentement à Laval dans l'équipe du professeur André Desrochers (Faculté de foresterie et de géomatique) visent à déterminer si la fragmentation de la forêt boréale, causée par les coupes forestières, peut favoriser des espèces comme la mésangeraie du Canada (geai gris) et l'écureuil roux qui s'attaquent aux oeufs et aux petits des passereaux. Si c'était le cas, il s'agirait d'une preuve de plus que la fragmentation de l'habitat joue un rôle significatif dans le récent déclin de la plupart des espèces de passereaux d'Amérique du Nord.
Observatoire dans l'oeil
L'analyse des données n'avance pas aussi rapidement que l'étudiant-chercheur
le souhaiterait. C'est qu'en plus du fait qu'il vient lui-même d'accueillir
un petit dans le nid familial, Jacques Ibarzabal travaille au développement
d'un observatoire d'oiseaux dans la région de Tadoussac. "Il
y a des observatoires réputés en Ontario, aux États-Unis
et dans les provinces maritimes, mais il n'y en a pas au Québec.
À l'automne de 1991, en une heure, j'ai compté 150 oiseaux
de proies au-dessus des dunes de Tadoussac. J'y suis retourné pour
faire des observations les années suivantes et il semble que Tadoussac
soit situé sur un important corridor de migration. En 1993, on a
compté 17 800 oiseaux de proie de 13 espèces en 70 jours d'observation.
Ça m'a convaincu qu'il fallait développer ce site."
Aujourd'hui, tout en poursuivant son doctorat, Jacques Ibarzabal dirige l'Observatoire d'oiseaux de Tadoussac, situé sur le territoire du Parc marin du Saguenay. Quelques employés et plusieurs bénévoles enthousiastes assurent le suivi des migrations d'oiseaux de proies et de passereaux pendant l'automne. Depuis l'année dernière, l'Observatoire effectue également la capture nocturne et le bagage de deux espèces de hibou, la petite nyctale et la nyctale boréale. "Nous allons éventuellement ajouter un volet éducation aux travaux de l'Observatoire, dit-il. Le site pourrait acquérir une réputation internationale qui attirerait des touristes au Parc marin à un moment de l'année où les baleines ont quitté l'estuaire."
Et le doctorat? "Certains étudiants-chercheurs se dépêchent de terminer leur doctorat pour se trouver un travail. Moi, j'ai déjà une job mais je tiens à terminer ne serait-ce que pour la crédibilité que donne le PhD. Et ça garde la porte ouverte si jamais je voulais devenir professeur."