12 mars 1998 |
Être ou ne pas être au monde: c'est la question qui se pose à ce pays dont 20 % des citoyens souffrent de malnutrition.
Jamais, depuis son indépendance, en 1975, le Viêt-nam ne s'est retrouvé dans une situation aussi difficile. Essayant tant bien que mal de définir un projet collectif, la société vietnamienne fait face à plusieurs problèmes, dont le plus criant est sans contredit la pauvreté, qui mine littéralement ses forces en puissance. Dans un pays où près de 20 % de la population est carrément sous-alimentée, l'avenir de cette nation comptant 80 millions d'habitants demeure plus qu'incertain.
Tel est le constat qu'a dressé Gérard Hervouet, professeur au Département de science politique et directeur du GÉRAC (Groupe d'études et de recherches sur l'Asie contemporaine), lors d'un colloque placé sous le thème "La société vietnamienne: risques contrôlés, défis calculés". Ce colloque organisé par le GÉRAC, qui a eu lieu le 27 février au pavillon Alphonse-Desjardins, se voulait un lieu d'analyse des changements et des défis amenés par le Doi Moi (la restructuration économique amorcée en 1986 au Viêt-nam) dans toutes les sphères de la société vietnamienne.
La ruée vers l'or
"Actuellement, le Viêt-nam est enfermé dans un dilemme
shakespearien, à savoir s'il entrera ou non dans l'économie
de marché, a souligné Gérard Hervouet. La libéralisation
des entreprises d'État signifie la recherche de nouveaux capitaux
et l'entrée de plain-pied dans le monde capitaliste. Essentiellement,
le pays est confronté au même problème que son puissant
voisin, la Chine: comment un pays à idéologie communiste peut-il
intégrer l'économie de marché à ses "valeurs"?
S'il est crucial que le pays fasse un pas en avant, il faut retenir que
le Viêt-nam demeure une société consensuelle, c'est-à-dire
que tout le monde doit être d'accord avant qu'une décision
soit prise. Devant un problème, les autorités en place choisiront
souvent de mettre de l'avant "une meilleure stratégie",
et ce, pour gagner du temps."
En outre, a précisé Gérard Hervouet, l'écart entre les secteur urbain et rural progresse constamment, avec le résultat que les habitants des villes s'enrichissent et que ceux des campagnes s'appauvrissent. Quand on sait que les paysans représentent la clientèle traditionnelle du Parti communiste et que 80 % de l'économie vietnamienne repose sur des assises rurales, il y matière à réflexion quant à l'avenir du pays.
Un déficit élevé
Professeur au Département de géographie, Rodolphe De Koninck
place également la pauvreté au premier rang des problèmes
prévalant au Viêt-nam. À cette situation désolante
s'ajoutent d'autres difficultés qui font en sorte que le pays n'arrive
pas à sortir du marasme économique dans lequel il est plongé:
croissance démographique très forte, corruption, budget de
défense trop élevé, ruée folle vers la croissance
effectuée sans véritable planification, etc. Sans compter
la pollution des eaux environnantes et le recul rapide de la forêt,
dû aux besoins énergétiques en bois et en pâturage.
"En l'absence de réglementation, le pays se détériore
en peu plus chaque jour, estime Rodolphe De Koninck. En fait, il n'existe
pas ou très peu de conscience environnementale au Viêt-nam."
Si l'économie du Viêt-nam croît à des rythmes appréciables depuis dix ans, le déficit commercial y demeure par contre très élevé, se chiffrant à plus de 26 milliards de dollars US, a révélé Manh Hung Nguyen, professeur au Département d'économique. En l'absence de vision de développement à long terme, le pays est ainsi très endetté.