12 mars 1998 |
Ferdinand Ries, l'unique élève de Beethoven, est un compositeur à découvrir dans ce premier enregistrement mondial.
Émouvant testament pianistique que celui que nous a laissé Bruno Biot, quelques semaines seulement avant qu'un cancer l'enlève aux siens et à la Faculté de musique de l'Université Laval. Un an (jour pour jour) après son départ, la maison Fonovox et sa compagne, Nathalie Magnan, lançaient, le 26 février, un disque compact regroupant trois sonates pour piano de Ferdinand Ries enregistrées en première mondiale par Biot à la salle Albert-Rousseau du Cégep de Sainte-Foy, les 31 août, 1er et 2 septembre 1996.
L'entreprise du dévoué et sympathique pédagogue de la Faculté de musique, de dépoussiérer quelques-unes des brillantes oeuvres de cet Allemand (populaire en son temps) reléguées depuis des lustres dans un sombre recoin du grenier de l'oubli, mérite tous les éloges. Ries (prononcer Rîce), né à Bonn en 1784, est décédé en 1838. Il fut pour ainsi dire, dès l'âge de 16 ans, l'unique élève de Beethoven. Nullement considéré par l'histoire de la musique comme un porte-étendard de la révolution beethovénienne, ce dernier fut toutefois, sous certains rapports bien typés dans ses opus de piano, un devancier de Schubert et de Chopin.
Le programme que propose Bruno Biot, sorte de tryptique dépeignant de l'alpha à l'oméga la riche "tessiture" de l'esprit romantique que Ries imprime au clavier, boucle en 64 minutes un répertoire qui, sans représenter la découverte du siècle, valait tout de même le détour. D'abord, une frondeuse Sonate en do majeur no 1, opus 1, dédiée à Beethoven, regorgeant de passages de bravoure au quotient de difficulté himalayen. Puis, un second essai de jeunesse, la Sonate en fa mineur no 2, opus 11, couronné par le fulgurant écoulement lyrique d'un allegro mené avec une autorité "virevoltante" (parmi les mouvements allègres du disque, l'un des plus réussis à la fois dans son écriture et dans son rendu). Enfin, l'ultime partition pour piano du compositeur, la Sonate en la bémol majeur no 52, op.176, marquée du sceau de la sagesse introspective, du pathétique, avec la touche conclusive d'un allegro aux feux d'artifice bigarrés.
Sans prétendre à la fluidité du geste musical d'un Lortie, au doigté pyrotechnique d'un Hamelin ou à la régularité métronomique d'un Gould, en un mot, sans aucune prétention, l'épanchement du pianiste Bruno Biot n'en demeure pas moins empreint d'une chaleureuse sincérité qui transcende une technique langagière tous azimuts dont le phrasé atteint à la plénitude de son expression dans les instants d'apaisement. Un témoignage-tribut au talent et au courage éloquents qui nous fait regretter le départ d'un artiste si attachant. Signalons que l'enregistrement du professeur Bruno Biot (Fonovox VOX 7935-2) a été rendu possible grâce au programme "Soutien à la création en milieu de travail" de l'Université Laval.
Prix Bruno-Biot
Le doyen de la Faculté de musique, Raymond Ringuette, a par ailleurs
annoncé la création du prix Bruno-Biot lors du lancement du
disque, qui avait lieu à la salle Carter Hall de la cathédrale
de la Sainte-Trinité, à Québec. Le prix sera remis
annuellement, après le trimestre d'hiver, à la pianiste ou
au pianiste de la Faculté de musique, inscrit au Baccalauréat
en musique, mention Interprétation, ou à la Maîtrise
en musique, option Interprétation ou option Didactique instrumentale,
qui aura conservé la moyenne cumulative la plus élevée.
La Faculté de musique procède actuellement à une campagne de sollicitation pour doter le prix Bruno-Biot d'une bourse. La Fondation de l'Université, qui a constitué un fonds à cette fin, gérera les dons recueillis.