12 mars 1998 |
La prématurité et le petit poids à la naissance influenceraient le comportement social des enfants une décennie plus tard.
Les enfants nés prématurément et les bébés de petit poids risquent d'éprouver plus de problèmes d'interactions sociales que les autres enfants une fois rendus à l'école primaire. Voilà le surprenant constat effectué par une équipe de psychologues qui a étudié l'impact de la prématurité et du poids à la naissance sur le développement psychosocial d'enfants de 11 et 12 ans. Les enfants prématurés et les enfants de petits poids seraient davantage sujets à la tristesse et au retrait social que leurs confrères et consoeurs de classe. Ils sont également moins portés à se mêler aux autres enfants et ils hésitent davantage à s'engager dans des activités de groupe.
Réjean Tessier, Line Nadeau et Michel Boivin, de l'École de psychologie, et leur collègue montréalais Richard Tremblay ont étudié différents aspects de la personnalité de deux groupes d'enfants de 11 et 12 ans fréquentant des écoles primaires de Québec et de Montréal. Dans le premier groupe, 49 des 147 enfants (garçons et filles) étaient nés avant la 37e semaine de grossesse. Dans le second groupe, 28 des 84 enfants (tous des garçons) pesaient moins de 2 000 g à la naissance. À noter que l'état de ces enfants à la naissance était considéré à faible risque. "Ce ne sont pas de grands prématurés à qui il manque trois mois de développement intra-utérin, précise Réjean Tessier. Au départ donc, leur situation ne semblait pas dramatique."
Les chercheurs ont demandé aux professeurs et aux élèves de compléter une série de questionnaires servant à évaluer les comportements et les attitudes sociales des enfants à l'école. Les résultats, publiés dans le dernier numéro de l'International Journal of Behavioral Development, révèlent l'existence d'une étroite relation entre la tendance au retrait social de l'enfant et la prématurité ou le petit poids à la naissance. Ce retrait se manifeste par un ou plusieurs des comportements suivants: ils ont peu d'amis, ils sont susceptibles et tristes, ils ne semblent jamais s'amuser, ils n'aiment pas répondre aux questions en classe et ils sont souvent choisis en dernier lors des activités de groupe. Par contre, la prématurité et le petit poids à la naissance ne sont pas liés aux comportements agressifs. Ces observations valent aussi bien pour les garçons que pour les filles. "La distinction sexuelle qu'on note habituellement chez les autres enfants ne tient pas dans leur cas, signale Réjean Tessier. En général, les filles sont plus sujettes au retrait social alors que les garçons manifestent plus de comportements agressifs."
Il existe une relation entre la prématurité et le poids à la naissance mais elle n'est pas parfaite. Ainsi, le tiers des 49 enfants prématurés du premier groupe avaient un poids normal à la naissance. Pour l'instant, les chercheurs sont encore incapables de départager l'influence respective de la prématurité et du poids sur les comportements observés.
Plusieurs études ont déjà rapporté des problèmes d'hyperactivité dans les populations d'enfants prématurés mais, de toute évidence, il y a d'autres caractéristiques sociales à considérer, signale Réjean Tessier. Certains comportements, notamment l'hyperactivité, s'expliqueraient par des problèmes neurologiques mineurs. D'autres auraient leur source dans la surprotection parentale accordée aux prématurés dès leur plus jeune âge. "À la maison, ces enfants sont habitués à voir leurs parents faire des choses pour eux à cause de leur condition, dit le chercheur. Ils apprennent un comportement social d'attente et de retrait qu'ils transposent peut-être à l'école."
La thèse de l'étudiante-chercheure Line Nadeau, qui sera déposée dans les prochains mois, devrait apporter réponse à quelques-unes des nombreuses questions soulevées par cette étude.