12 mars 1998 |
Les PME de la nouvelle économie questionnent la formation universitaire.
Lorsqu'ils doivent prendre des décisions stratégiques importantes, neuf fois sur dix les dirigeants de PME se fient davantage à leur propre intuition qu'à la rationalité du "bon gestionnaire" fondée sur des méthodes d'analyse.
C'est ce qui ressort, entre autres, d'une étude récente menée auprès de 63 petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes par Yvon Gasse, professeur de management à la Faculté des sciences de l'administration et directeur du Centre d'entrepreneuriat et de PME de l'Université Laval. L'enquête s'est déroulée d'avril à octobre 1997 et a porté sur 48 PME du Québec et 15 du Canada faisant partie de la "nouvelle économie" axée notamment sur les idées, sur le savoir. Elle a été réalisée avec la collaboration de Gérald d'Amboise, professeur au Département de management de la FSA.
Formation sur le terrain
L'intuition comme élément fondamental dans la gestion
de l'entreprise demeure un phénomène d'autant plus surprenant
que 75 % des entrepreneurs interrogés avaient reçu une formation
universitaire complète ou partielle. "Cela signifie que les
méthodes de gestion devront être conçues et perçues
comme étant complémentaires et non plus incontournables",
considère Yvon Gasse.
Ce dernier avoue d'ailleurs que ce constat aura des conséquences sur le plan de la formation donnée à l'Université: "Nous devrons être capables d'amener les étudiants à acquérir plus d'"expérience terrain", parce que c'est là qu'ils vont former leur intuition. Ils auront beau élaborer des plans d'affaires ou procéder à des études de marché sur Internet, c'est tout de même sur le terrain qu'ils vont acquérir le feeling des situations, du client ou du consommateur", estime-t-il. Il faudra ainsi insister, selon lui, sur les méthodes actives ou dites expérientielles que représentent les stages ou les études sur le terrain.
Des valeurs à partager
Une autre caractéristique majeure de ces entreprises, qui interpelle
la formation universitaire, est liée à la notion de compétence.
"Les entreprises qui réussissent le mieux, surtout dans la nouvelle
économie, sont celles qui sont dirigées par des gens d'équipe
capables de mobiliser leur monde. La différence est grande entre
la gestion des ressources humaines et la gestion des personnes. Car celle-ci
implique des compétences à la fois de leader, de coach, et
suppose que l'entrepreneur ait la capacité de se mettre à
la place de l'autre, et qu'il possède des habiletés interpersonnelles
extrêmement riches sur le plan, par exemple, de la communication",
explique Yvon Gasse.
Ces dirigeants chercheront par conséquent à retrouver (et à recruter) au sein de leur personnel des individus qui sauront fonctionner en symbiose, voire en synergie, et partager les valeurs et la culture de l'entreprise, prétend le directeur du Centre d'entrepreneurriat et de PME de l'Université Laval.