12 mars 1998 |
Le 2 mars, le recteur François Tavenas communiquait par lettre, au premier ministre canadien, ses réactions aux mesures concernant les universités annoncées dans le budget 1989 déposé le 23 février par le ministre des Finances Paul Martin. Voici le contenu de cette lettre.
Monsieur le Premier Ministre,
Pour la première fois depuis de très nombreuses années, un gouvernement canadien a placé la recherche et l'accès à la formation universitaire au tout premier rang de ses priorités budgétaires. A titre de recteur de l'Uni-versité Laval, je ne peux que me réjouir que le gouverne-ment qui a posé ce geste empreint de vision soit dirigé par un de nos éminents diplômés. Je veux donc, par la présente, vous exprimer mes félicitations et mes remerciements, au nom de tous les universitaires et de tous les Canadiens qui ont à coeur le développement économique, social et culturel du pays.
C'est avec un immense soulagement et beaucoup de plaisir que j'ai pris connaissance des mesures budgétaires concernant le financement de la recherche universi-taire. Pour une grande université de recherche comme l'Université Laval, le rétablissement des crédits dispo-nibles aux trois conseils subventionnaires à leur niveau de 1994-95 est un excellent pas vers le rétablissement de la pleine compétitivité de la recherche canadienne dans les cercles mondiaux de la recherche. Je formule l'espoir que les crédits prévisionnels annoncés pour les années 1999 et 2000 puissent être augmentés dans les prochains budgets avec la poursuite de l'amélioration de la situation financière du pays.
Puis-je me permettre cependant de vous exprimer mon regret au constat que le financement du Conseil des recherches en sciences humaines n'a pas fait l'objet d'un petit effort supplémentaire cette année. Je vous avais écrit au printemps dernier pour souligner à quel point il était important que la recherche en sciences humaines fasse l'objet d'une attention accrue au moment où notre société fait face à des mutations importantes sous les effets com-bi-nés de l'introduction massive des technologies et de la mondialisation. J'aimerais insister à nouveau sur la néces-sité d'un accroissement des crédits disponibles au CRSH ; compte tenu de la taille actuelle modeste de ces crédits, il me semble que votre gouvernement devrait pouvoir trouver une dizaine de millions de dollars qui feraient toute la différence dans ce secteur d'importance vitale pour l'ave-nir de notre société. Ces fonds additionnels pourraient avantageusement servir, par exemple, à développer nos recherches sur la difficile problématique des relations entre les autochtones et les sociétés nord-américaines, sur l'impact des technologies sur l'organisation du travail, sur le droit des télécommunications à l'ère de l'Internet, ou sur le développement de méthodes pédagogiques adaptées à l'usage des nouvelles technologies de l'information et des communications.
C'est avec un très grand plaisir que j'ai pris connaissance de la panoplie des mesures fiscales en soutien à l'accessibilité aux études universitaires. Je suis, en particulier, heureux de constater que les investissements faits par les étudiants qui empruntent pour faire leurs études sont maintenant traités sur le même pied que les investissements industriels. Ces différents types d'em-prunts visent tous le même objectif : contribuer au déve-lop-pement économique et social du pays. Il était normal qu'ils fassent l'objet d'un traitement fiscal semblable. Je me réjouis à la pensée que j'aie pu contribuer, même modestement, à l'introduction de cette mesure.
Quant à la création de la Fondation du millénaire, si je me réjouis de voir de nouveaux fonds investis pour accroître l'accessibilité des jeunes Canadiens à une formation universitaire, je me dois de joindre ma voix à celle de la CREPUQ et des autres Québécois qui insistent pour que la situation particulière du Québec soit convena-blement prise en compte. Comme vous le savez, le Québec gère, depuis de nombreuses années, des programmes de prêts et bourses bien adaptés et qui ont fait leurs preuves. C'est ainsi que les diplômés québécois font face à des dettes d'études nettement inférieures à celles des diplômés des autres provinces. Il importe donc que, tout en maintenant l'équité nécessaire, l'utilisation des fonds mis à la disposition de la Fondation du millénaire soit parfaitement harmonisée aux programmes québécois existants, dans le res-pect des prérogatives provinciales en la matière. Je note que le discours du budget appelle une telle harmonisation. Je formule le vu que toutes les parties concernées fassent preuve de créativité et déploient tous les efforts néces-saires pour atteindre pleinement l'objectif ultime visé, soit une plus grande accessibilité aux études universitai-res pour les jeunes les plus démunis de notre société.
Enfin, au moment où le Canada commence à entre-voir plusieurs années de budgets équilibrés, j'aimerais insister sur la nécessité d'accroître notre investissement global dans le domaine de l'enseignement supérieur. La nécessité, pour le gouvernement fédéral et pour les gouver-nements provinciaux, de rétablir l'état des finances publi-ques a conduit à une réduction importante des investisse-ments publics dans le secteur de l'enseignement supérieur. Il importe que ces investissements soient accrus dans un proche avenir pour que les jeunes Canadiens aient accès à une formation de qualité, compétitive avec celle qu'obtien-nent les jeunes des autres pays développés. A quoi servi-raient en effet les mesures de soutien à l'accessibilité aux études que vous venez de mettre en place, si nos jeunes devaient avoir accès à des universités insuffisamment dotées en professeurs ou en ressources matérielles. Je formule donc le voeu que les prochains budgets fédéraux prévoient un accroissement des fonds mis à la disposition des provinces en appui à l'enseignement post-secondaire.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.