22 janvier 1998 |
LE RECTEUR RÉPOND À CYRILLE BARRETTE
Monsieur Cyrille Barrette
Professeur
Département de biologie
Faculté des sciences et de génie
Pavillon Alexandre-Vachon
Cher collègue,
J'ai pris connaissance avec intérêt, mais aussi, je dois l'avouer, avec un certain étonnement de votre texte publié dans le Courrier du journal Au fil des événements du 8 janvier.
Sur le premier point de votre texte, je ne pense pas qu'il y ait de désaccord entre les idées de la Commission d'orientation et les vôtres. Que l'étudiant soit la raison d'être de l'Université est, comme vous le soulignez, une évidence. Affirmer que l'Université place l'étudiant au coeur de ses préoccupations me semble être la conséquence fonctionnelle logique de cette évidence.
Vous poursuivez cependant en proposant trois énoncés alternatifs que je ne peux partager. N'ayant pas vécu personnellement l'évolution de l'Université Laval au cours des dernières années, je ne peux pas juger des circonstances qui ont pu vous amener à formuler ces trois propositions. Je me permets par contre de souligner qu'aucun de ces énoncés ne correspond aux actions que mes collègues et moi-même avons entreprises depuis quelques mois ni, surtout, aux principes et orientations qui sont proposés par la Commission d'orientation.
Que nous soyons forcés de nous préoccuper de la situation financière de l'Université, personne ne le niera, je l'espère. Ceci dit, le plan de stabilisation financière qui a été adopté par le Conseil d'administration en novembre dernier fait appel à des mesures qui ont toutes été guidées par le souci de protéger la qualité de l'enseignement dans toute la mesure du possible. En parallèle, nous avons demandé à toutes les facultés de préparer un plan de redéploiement des ressources professorales pour assurer que, plaçant l'étudiant au centre de nos préoccupations, nous puissions optimiser l'utilisation de ressources financières trop limitées. Enfin, par nous-mêmes et par la CREPUQ, nous poursuivons les efforts en vue de convaincre le gouvernement et le grand public de la nécessité d'accroître le financement des universités.
J'ai du mal par ailleurs à voir où vous auriez pu trouver, dans le rapport de la Commission d'orientation ou dans nos actions récentes, l'indication que "l'Université Laval place le nombre d'étudiants au coeur de ses préoccupations". Bien au contraire le rapport souligne la nécessité d'une approche sélective du recrutement et de l'admission des étudiants. Le rapport insiste sur la nécessité, pour chaque faculté, d'examiner attentivement la question de ses capacités d'accueil. Pour ce faire, les facultés et les départements se doivent d'examiner l'évolution des disciplines, les besoins de la société exprimés en demandes d'admission tout comme en capacité de placement des diplômés, nos capacités en termes de ressources humaines, physiques et financières; cet examen est complexe car la plupart des paramètres sont dynamiques et plusieurs sont interreliés. Je sais que ces analyses sont en cours en vue de produire, pour l'ensemble de l'Université, une stratégie de recrutement. Et recrutement ne doit pas s'entendre au sens du "sergent recruteur" d'il y a quelques siècles mais bien dans le sens suivant: définir en qualité et en nombre la population étudiante souhaitée dans chaque programme et prendre ensuite les moyens pour attirer et retenir cette population.
Quant à votre dernier énoncé, il me semble tout à la fois excessif et contradictoire. Excessif dans le sens où je ne pense pas que l'Université Laval soit en mode de survie. Nous sommes peut-être dans une période plus difficile qu'il y a cinq ou dix ans mais nous disposons toujours de certaines marges de manoeuvre pour nous adapter et nous développer. J'ai vu, depuis mon retour à Laval, de nombreux projets de développement s'amorcer ou se matérialiser dans tous les coins de l'Université. J'ai vu un dynamisme prometteur se matérialiser à l'annonce des programmes de la Fondation canadienne de l'innovation. L'Université Laval n'est pas une institution "en mode survie" mais une organisation pleine d'énergie et de créativité, probablement mieux équipée que bien d'autres universités pour traverser les deux ou trois années de conjoncture un peu plus difficile que nous vivons.
Contradictoire dans le sens où, comme vous le soulignez vous-même dans la dernière partie de votre texte, c'est quand les ressources sont limitées qu'il faut porter le plus d'attention à ce qui est le centre de nos préoccupations: l'étudiant. C'est, je pense, ce que le Conseil d'administration a fait lorsqu'il a examiné et adopté le plan de stabilisation financière que nous lui avons soumis en novembre dernier. C'est, je l'espère, ce que toutes les facultés sont en train de faire en élaborant leurs plans de développement des ressources professorales.
Vous terminez votre texte avec un énoncé qui est à la base même du rapport de la Commission d'orientation et de mon action à la tête de l'Université: "... moins on a de ressources, plus il faut que l'étudiant occupe de place au coeur des préoccupations. C'est la définition même d'une université qui le commande et c'est l'avenir qui en dépend." Je ne saurais être plus d'accord et j'ajouterais: "... et c'est vers cela que tous les membres de la communauté doivent mobiliser créativité et énergie en évitant autant que possible cynisme ou pessimisme qui n'ont jamais conduit à l'action et au progrès."
J'espère que la Commission d'orientation pourra bénéficier, à la reprise de ses travaux en février, de vos idées et de vos propositions constructives.
Amicalement.