8 mai 1997 |
Congrès des relations industrielles
L'emploi sera de moins en moins la principale référence socio-économique
Une fois par an, patrons, syndiqués et employés laissent leurs armes au vestiaire pour débattre sans contraintes des profondes mutations qui secouent le marché du travail. En choisissant de se pencher sur la crise de l'emploi, le 52e Congrès des relations industrielles, qui s'est déroulé les 5 et 6 mai à Québec, souhaitait dépasser la simple annonce de solutions miracles, mais plutôt comprendre les racines profondes du changement que nous vivons. Fernand Morin, professeur au Département des relations industrielles, a ouvert la rencontre en traçant un portrait décapant de l'état des lieux.
Loin d'adhérer aux thèses des analystes qui considèrent la mutation profonde de l'emploi comme un simple accident de parcours du système capitaliste permettant d'éliminer les joueurs médiocres, le conférencier définit l'augmentation constante du taux de chômage depuis la fin des "trente glorieuses" comme une véritable révolution. Qui aurait pu envisager, en pleine explosion économique de l'après-guerre, qu'un jour l'État mettrait précipitamment à la retraite des milliers de fonctionnaires pour réduire ses dépenses, qu'un bon gestionnaire se définirait par sa capacité à licencier collectivement les employés ou à les inciter à investir dans leur formation pour garder leur poste?
Selon Fernand Morin, il devient donc primordial de prendre conscience de l'urgence de la situation, car se satisfaire des rares annonces optimistes sur la légère amélioration des statistiques de chômage, ou de l'allégement momentané des impôts serait un leurre. À l'entendre, le vieillissement annoncé de la population québécoise, les mutations technologiques dans la production de biens, la délocalisation constante des entreprises manufacturières provoquent tant de bouleversements qu'elles remettent même en cause le lien d'emploi. "La tendance, en bien des entreprises, consiste à entourer le noyau dur de salariés-typiques d'équipes mobiles constituées de salariés à temps partiel, de travailleurs dits "autonomes" ou de télétravailleurs", remarque Fernand Morin.
La conception traditionnelle de la main-d'oeuvre devient tellement obsolète que le travail ne peut plus, comme par le passé, rester "la référence socio-économique principale, la mesure des réputations et des dignités." Finalement, le conférencier appelle de ses voeux une réforme du travail positive, qui permettrait à certains de consacrer plus de temps à d'autres activités comme la pratique d'un sport, la fréquentation de lieux de culture ou simplement aux relations sociales et familiales. La paix sociale et économique est sans doute à ce prix...