8 mai 1997 |
Le recteur sortant Michel Gervais fait le bilan de ses deux mandats devant les membres du Club Richelieu
"S'il est vrai que les temps sont durs pour les jeunes, il est certain qu'ils le sont moins pour ceux et celles qui font des études à Laval si l'on examine leur taux de placement."
"Le Québec doit réaliser que ses universités constituent l'outil le plus précieux dont il dispose pour relever les nombreux défis de la nouvelle économie. "
"Les résultats positifs qu'affiche aujourd'hui l'Université sont entièrement attribuables à la compétence, au dévouement et au dynamisme des membres de son personnel. Mon seul mérite est peut-être d'avoir su animer cette équipe, d'avoir réussi à obtenir ce concours et encouragé de dynamisme."
Lundi 28 avril, 12 h, hôtel Plaza Universel, Sainte-Foy. Dernière apparition publique de Michel Gervais à titre de recteur de l'Université Laval. Invité par le Club Richelieu Québec, le recteur sortant a tracé, devant quelque 140 convives, le bilan des deux mandats qui l'ont vu présider aux destinées de la plus ancienne université de langue française en Amérique du Nord, de 1987 à 1997.
À l'aune de la formation
"Si on veut mesurer la qualité d'une université, c'est
avant tout à la qualité de la formation qu'elle dispense à
ses étudiants qu'il faut regarder", a lancé d'entrée
de jeu Michel Gervais, usant du premier de huit indicateurs qui lui serviront
à étayer son discours sur ce que l'on pourrait qualifier d'"état
de la nation".
Sur ce point, l'Université Laval n'a rien à envier aux autres grandes universités canadiennes et même nord-américaines, devait-il soutenir preuves à l'appui. Par exemple, presque tous les programmes professionnels de l'Université ont reçu l'agrément ("systématiquement sans difficultés") d'organismes canadiens et parfois même nord-américains. C'est le cas notamment de la Faculté des sciences de l'administration qui a été agréée par la prestigieuse American Assembly of Collegiate Schools of Business (AACSB) en mars 1995. Par ailleurs, les étudiants et les étudiantes de l'Université Laval se classent habituellement très bien dans les examens nationaux, n'a pas manqué de signaler Michel Gervais.
Un de ses premiers objectifs, a-t-il rappelé, était de sauvegarder, voire d'améliorer la qualité de la formation. Pour ce faire, plusieurs gestes ont été posés dans ce sens au cours des dix dernières années à l'Université.
Citons, entre autres, la mise en place d'un processus d'évaluation périodique de tous les programmes avec recours à des experts externes; le lancement d'un programme de valorisation de l'enseignement et de la pédagogie; l'offre de sessions de formation pédagogique aux jeunes professeurs; le soutien à l'innovation pédagogique et à l'intégration des technologies de l'information dans l'enseignement; l'adoption de mesures pour améliorer la qualité du français des étudiants; l'instauration de programmes coopératifs et de stages pratiques obligatoires dans certaines unités; l'adoption d'une politique visant à l'internationalisation des programmes; la transformation radicale des baccalauréats en enseignement primaire et secondaire, et une nouvelle conception de la formation des maîtres axée sur le modèle professionnel.
Travailler pour une grande cause
Lorsqu'il est devenu recteur en 1987, Michel Gervais considérait
le placement des diplômés comme une de ses six priorités.
"Ce n'est pas tout de former de bons étudiants. Encore faut-il
qu'ils se trouvent du travail et qu'ils puissent utiliser leurs compétences
dans un emploi qui les satisfasse et où ils trouvent leur compte",
a-t-il déclaré aux membres du Club Richelieu.
À la suite du désengagement du gouvernement fédéral dans le domaine du placement univesitaire, l'Université Laval a ainsi dû créer son propre service de placement, "qui est rapidement devenu l'un des meilleurs services de placement des universités canadiennes par son dynamisme, par sa créativité, par la diversité de ses initiatives, par son approche-client auprès des employeurs et par son utilisation des nouvelles technologies de l'information", de commenter le recteur sortant.
Autre objet de fierté: Entrepreneuriat Laval. Aux dires de Michel Gervais, ce projet issu de la Faculté des sciences de l'administration a grandement aidé à développer chez les étudiants de nouvelles attitudes vis-à-vis du marché de l'emploi, en stimulant leur esprit d'entreprise pour inciter un nombre croissant d'entre eux à créer leur propre emploi, sinon leur propre entreprise.
"S'il est vrai que les temps sont durs pour les jeunes, il est certain qu'ils le sont moins pour ceux et celles qui font des études universitaires chez nous, devait-il ajouter après avoir divulgé quelques faits saillants de la dernière opération de relance de l'Université. Celle-ci révèle, entre autres, que le taux de placement des titulaires d'un baccalauréat obtenu de Laval en 1993 atteint 89% deux ans et demi à trois ans après la fin des études. "Je dois dire d'ailleurs que, tout au long de mes dix ans comme recteur, c'est peut-être cela qui m'a le plus motivé: j'avais le sentiment de travailler pour une grande cause, celle de l'avenir des nos jeunes et, partant, de notre société", de se confier Michel Gervais.
Un atout majeur
De l'aveu du recteur sortant, c'est dans le domaine de la recherche et des
études avancées que l'Université Laval a fait les plus
grands progrès au cours de la dernière décennie. Deux
indices fort révélateurs: les montants alloués à
la recherche provenant de sources externes sont passés de 40 à
125 millions de dollars environ; le nombre de professeurs qui ont obtenu
des subventions ou des contrats de recherche a gonflé de 600 à
1 100.
Des objectifs précis et une stratégie en deux volets bien arrêtée expliquent, selon lui, cette réussite sans équivoque. D'abord, le renouvellement du corps professoral: l'Université Laval est, aujourd'hui, l'établissement du réseau universitaire québécois qui compte la plus forte proportion de professeurs titulaires d'un doctorat, soit plus de 80 %. Ensuite, la structuration de la recherche: on dénombre actuellement 28 centres de recherche officiellement reconnus, c'est-à-dire 15 de plus qu'en 1987. Un progrès remarquable "qui a accru de manière significative la capacité de Laval d'offrir aux étudiants des cycles supérieurs un encadrement efficace et de qualité", juge Michel Gervais. L'an dernier, du reste, l'Université a accordé un nombre record de 233 doctorats.
"En somme, à la suite d'un effort qui a débuté il y a au moins 25 ans, sous Larkin Kerwin, qui s'est intensifié sous Jean-Guy Paquet et consolidé pendant mon mandat, l'Université Laval est devenue une des grandes universités de recherche canadiennes", s'est-il plu à souligner. Je ne suis pas sûr que la région de Québec réalise jusqu'à quel point cela constitue un atout majeur dans la nouvelle économie, fondée sur la connaissance", devait-il toutefois constater du même souffle.
Engagement ici et ailleurs
L'examen rétrospectif auquel s'est livré l'ex-recteur Gervais
car, au moment d'écrire ces lignes, le nouveau recteur, François
Tavenas, est entré en fonction a ensuite mené l'auditoire
du Club Richelieu Québec au coeur même de certaines facettes
de la vie de l'Université, peu connues du grand public.
De signaler Michel Gervais, sous le thème "Ouverture sur le monde": l'Université Laval est une des universités canadiennes les plus engagées en coopération internationale et l'un des plus importantes partenaires de l'Agence canadienne de développement international (ACDI). Elle a signé des ententes actives avec des universités de toutes les parties du monde, dans plus de 55 pays. Elle fait figure de leader au sein de la francophonie universitaire. De plus, près de 1 800 étudiants étrangers sont inscrits à Laval, "ce qui témoigne éloquemment de la force d'attraction et du rayonnement international de nos activités de recherche et de nos études supérieures", insistera-t-il.
Peu après, sous le thème "Relations avec la société", il parlera de l'engagement de l'Université "au service de l'objectif visant à restructurer l'économie régionale et à faire de Québec-Chaudière-appalaches une véritable "technorégion"", au sein, notamment, du GATIQ, du Parc technologique du Québec métropolitain et du CREDEQ. Il mentionnera au passage les étroites collaborations de l'Université Laval dans la "définition des contours du réseau de la santé et des services sociaux de la région", avec les commissions scolaires dans le dossier de la formation des maîtres, avec le Musée de la civilisation, le Musée du Québec et le Conservatoire de musique dans le domaine culturel.
Des pas de géant
Grandes constructions, réaménagements et rénovations
majeurs ont d'autre part caractérisé, comme jamais auparavant,
une ère décennale de progrès au cours de laquelle l'Université
a investi quelque 180 millions de dollars dans son parc immobilier.
Par ailleurs, Laval a fait des pas de géant dans l'amélioration de sa gestion institutionnelle, notera Michel Gervais. L'adoption récente et la mise en oeuvre d'une politique de gestion des ressources humaines sur la toile de fond d'un processus majeur de décentralisation devrait en faire une organisation "plus moderne, plus humaine et plus efficace à la fois", croit-il. Et ce, malgré une situation financière qui demeure, même après moult efforts, "extrêmement inquiétante".
Le recteur sortant se devait finalement d'attirer l'attention sur deux points de son bilan qu'il considère comme "très majeurs". En premier lieu, la modification de la Charte de l'Université Laval en 1991, par l'Assemblée nationale, qui a changé radicalement une structure décisionnelle constituée désormais d'un Conseil d'administration et d'un Conseil universitaire. En second lieu, la mise en branle de la grande campagne de souscription "Défi", qui a déjà recueilli 45 millions de dollars d'un objectif fixé à 60 millions.
Sauvegarder une université de classe mondiale
Quel défi attend l'Université Laval au cours des prochaines
années? À cette question, Michel Gervais répond: "Essentiellement,
il faudra tenter de conserver la qualité de l'enseignement et de
la recherche à Laval dans un contexte d'adversité sans précédent,
de convaincre nos concitoyens et le gouvernement du Québec de considérer
l'éducation en général et l'enseignement supérieur
en particulier comme une véritable priorité et comme un investissement
dans l'avenir, et de nous efforcer de sauvegarder ce que nous avons bâti
avec peine, une université de classe mondiale qui, si nous n'y prenons
garde, pourrait, plus rapidement qu'on ne le croit, sombrer dans la médiocrité.
Le Québec doit réaliser que ses universités constituent
l'outil le plus précieux dont il dispose pour relever le défi
de la nouvelle économie."