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10 avril 1997 ![]() |
L'étudiant universitaire d'aujourd'hui est plus âgé. Il louvoie davantage entre les programmes. Et il dépend beaucoup du travail salarié pour survivre pendant ses études.
Le monde de l'étudiant universitaire d'aujourd'hui est caractérisé par un éclatement des cheminements. Conséquences: les étudiants sont en moyenne plus âgés, leur séjour à l'université s'allonge et le travail occasionnel occupe une place prépondérante dans le financement de leurs études. Telles sont les grandes conclusions d'une enquête réalisée par le professeur Arnaud Sales, de l'Université de Montréal, auprès de 2 400 étudiants inscrits aux trois cycles dans 11 universités québécoises, dont Laval, à l'automne 1994. "Les professeurs connaissent très mal la situation des étudiants, moi le premier, a admis l'auteur de l'étude lors d'une conférence présentée le 20 mars devant le Département de sociologie. Les données de l'enquête ont complètement changé ma perception des étudiants."
Les études universitaires ne sont plus, comme par le passé, "une expérience juvénile", constate le sociologue. Les 20 ans et moins sont maintenant minoritaires dans le réseau universitaire. L'âge moyen des étudiants de premier, deuxième et troisième cycles est respectivement de 24, 32 et 33 ans chez la clientèle à temps plein et de 30, 37 et 43 ans chez les étudiants à temps partiel. Le vieillissement s'explique, en partie, par la petite sabbatique que beaucoup d'étudiants prennent entre le cégep et l'université et par le fait que le tiers des étudiants changent de programmes en cours de route, dit Arnaud Sales. Mais la raison principale vient de l'assouplissement des régimes d'études qui a favorisé l'arrivée de la clientèle à temps partiel, en général plus âgée. Présentement, 46 % des 250 000 personnes inscrites dans les universités québécoises étudient à temps partiel.
Les stratégies de financement des études ont également changé par rapport au passé et, même aujourd'hui, elles varient beaucoup en fonction de l'âge des étudiants. "Être étudiant universitaire est un statut qui coûte cher, entre 9 000 $ et 12 000 $ par année, et qui rapporte peu, sauf une bonne formation", observe le chercheur. Chez les étudiants à temps plein, le coût des études est financé à 30 % par l'emploi d'été, à 16 % par l'emploi pendant le trimestre, à 25 % par les parents, à 15 % par les prêts et à 8 % par les bourses. Plus les étudiants sont jeunes et plus la contribution des parents couvre une grande proportion des coûts (82 % chez les 20 ans et moins, 37 % chez les 24-25 ans). Le système de prêts et bourses prend la relève des parents chez les étudiants plus âgés.
Parmi les étudiants à temps plein, 43 % occupent un emploi pendant l'année scolaire; pour 4,4 % d'entre eux, cet emploi est même à temps plein! En moyenne, le travail d'été rapporterait 4 600 $ et le travail à temps partiel pendant l'année scolaire 2 250 $. Chez les étudiants à temps partiel, 53 % travaillent à temps plein et 25 % à temps partiel.
"Le travail salarié est maintenant au coeur du financement des études, note le chercheur. C'est un élément important compte tenu du fait que les étudiants qui travaillent sont moins assidus, abandonnent plus facilement les cours et ont tendance à prolonger la durée de leurs études". Commandée par le ministère de l'Éducation du Québec, cette enquête arrive à point nommé, estime Arnaud Sales, puisqu'elle fait mieux connaître les nouvelles réalités des étudiants universitaires au moment où le gouvernement s'apprête à faire des choix douloureux dans les dossiers du financement des universités et des droits de scolarité.