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10 avril 1997 ![]() |
Profil
Clément Moisan reçoit la médaille Lorne-Pierce de la Société Royale du Canada
Tout au long de sa carrière, Clément Moisan, a démontré un goût prononcé pour les littératures canadienne et québécoise, qu'il a explorées sous leurs angles les plus intimes. Mais cet examen comparé et méthodique n'a jamais altéré l'enthousiasme de ce professeur de Département des littératures devant le livre. Son appétit littéraire demeure intact comme au premier jour. La Société Royale du Canada vient d'ailleurs de souligner la qualité de l'ensemble de ses publications et de son oeuvre, en lui décernant la médaille Lorne-Pierce.
Courtois, affable, charmant, Clément Moisan a l'élégance aristocratique de ces dandys qui ont traversé le dernier siècle en causant dans les salons de la dernière parution de Chateaubriand, ou en déclamant du Lamartine. Mais la comparaison s'arrête là. Car contrairement à ces dilettantes, ce chercheur renouvelle constamment son approche de la littérature, en tentant, notamment, de la replacer dans son contexte. Avec d'autres collègues du Centre de recherche en littérature québécoise (CRELIQ), Clément Moisan travaille actuellement à un ouvrage qui vise à redonner ses lettres de noblesse à l'histoire littéraire, une discipline encore peu exploitée au Québec. Le premier des deux tomes de La vie littéraire au Québec, publié en 1991 aux Presses de l'Université Laval, a d'ailleurs reçu le prestigieux prix Raymond-Klibanski.
Réhabiliter les oubliés
"La littérature vivante n'est pas un musée, mais un système
organique où les éléments agissent entre eux, soutient
Clément Moisan. Il faut tenir compte de la vie politique, des affrontements
entre différents groupes, de la vie religieuse, pour mieux saisir
les phénomènes littéraires." Le professeur part
donc en guerre contre cette manie contemporaine de dresser des palmarès
de chefs-d'oeuvre littéraires dans des catégories très
compartimentées. Au fil de ses recherches, il a constaté en
effet que certains évêques ou certains éditeurs, sans
avoir jamais publié, ont eu une énorme influence sur la vie
littéraire de leur époque, tout comme des auteurs depuis longtemps
oubliés ont inspiré des écrivains que l'Histoire a
retenus.
Ce regard quasi sociologique que Clément Moisan porte sur la littérature l'a souvent aidé à communiquer sa passion à ses élèves. Avec quelques éléments de biographie et un rappel des conditions historiques entourant la parution d'un livre, les étudiants se rapprochent plus facilement de certains grands auteurs et les apprécient à leur juste mesure. "L'enseignement m'a souvent permis de vérifier certaines hypothèses de recherche, explique Clément Moisan. En dépouillant avec les étudiants des manuels de littérature parus entre 1940 et 1960, nous avons constaté que la perception de certaines oeuvres varie considérablement selon l'époque. Par exemple, la poésie de Nelligan est jugée très peu ¨canadienne¨ par ses contemporains, pour devenir¨, vingt ans plus tard, le symbole même de l'oppression vécue par le peuple québécois."
Ses multiples travaux de recherche et l'encadrement qu'il a exercé auprès d'étudiants à la maîtrise et au doctorat, n'ont pas empêché Clément Moisan, arrivé en 1964 à l'Université Laval, de se consacrer aussi aux tâches administratives. C'est ainsi qu'il a participé au renouvellement du Département d'études françaises, qu'il a dirigé de 1967 à 1970. Le rayonnement universitaire lui tient également à coeur, puisque ce passionné de littératures a dirigé ou collaboré à différentes revues comme Livres et auteurs québécois, La revue d'histoire littéraire du Québec et du Canada français, ou la Revue canadienne de littérature comparée. Même si son travail nécessite de multiples heures de lecture, Clément Moisan reconnait volontiers qu'il adore se plonger dans un bon roman pour se détendre. Seule exigence toutefois: l'auteur doit l'emmener loin, très loin de ses soucis quotidiens.