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10 avril 1997 ![]() |
Des chercheurs font l'essai d'une technologie propre qui pourrait améliorer la qualité du jus de pomme non clarifié.
Le jus de pomme à l'ancienne a la cote auprès des consommateurs de produits santé. Sa saveur de fruits fraîchement pressés et sa couleur opalescente, attribuable à la présence de pulpe en suspension, le distinguent des jus de pommes clarifiés. Le jus à l'ancienne n'a qu'un défaut: la présence de certains composés organiques (polyphénols et polyphénols oxydases) liés aux particules en suspension le rend sujet à un brunissement enzymatique qui assombrit sa couleur et en altère le goût.
Pour prévenir ce problème, les producteurs ont recours à des quantités massives d'antioxydants, principalement de la vitamine C ou ses dérivés. "C'est bon pour la santé, dit Joseph Makhlouf du Département des sciences des aliments et de la nutrition, mais c'est un additif coûteux qui, en plus, acidifie le goût du jus et peut occasionner un brunissement non enzymatique lors d'un entreposage prolongé. Ça explique pourquoi on retrouve sur le marché des jus de pomme très foncés qui ne sont pas forcément mauvais mais dont le mode de production n'est pas à point." Certains producteurs ont tenté de contourner le problème en ajoutant des produits basiques qui ramènent l'acidité du jus de pomme à son niveau normal de 3,5 à 3,9. Le hic est que l'opération entraîne la production de sel, ce qui donne un goût plutôt inattendu au jus de pomme.
Dans le dernier numéro du Journal of Food Science, l'étudiant-chercheur Jean-Sébastien Tronc, le professeur Joseph Makhlouf et leur collègue François Lamarche du Centre de recherche et de développement sur les aliments de Saint-Hyacinthe proposent une méthode propre pour résoudre le problème. "On savait qu'en augmentant l'acidité du jus, on inhibait l'activité des enzymes responsables du brunissement, dit Joseph Makhlouf. Il fallait donc trouver une façon d'abaisser le pH du jus sans y ajouter quoi que ce soit."
La solution à ce problème est une technologie déjà existante, l'électrodialyse, dont le potentiel dans la production de jus de fruits n'avait cependant jamais été exploré jusqu'à maintenant. L'application d'un courant électrique dans un réservoir à plusieurs compartiments contenant du jus de pomme séparé d'une solution de KCl par une membrane bipolaire provoque une acidification du jus. "En abaissant le pH à 2,7, on réduit de 81 % l'activité des enzymes responsables du brunissement et le jus obtenu a une bonne couleur", rapporte le chercheur. Lors d'une autre expérience, les chercheurs ont réussi à abaisser le pH à 2,0 ce qui a produit des effets encore plus spectaculaires sur la qualité du produit. "On peut même remonter le pH du jus à son niveau normal par la suite sans que l'enzyme ne retrouve son activité, ce qui laisse entrevoir des applications industrielles intéressantes", ajoute-t-il.
La compagnie A. Lassonde et fils, productrice des jus Oasis, suit d'ailleurs ces travaux de près puisqu'elle y investit des fonds via le programme de partenariat du Conseil de recherches pêche et agro-alimentaire Québec. "Anh Lam Quock, un étudiant au doctorat, entreprend maintenant un projet pour optimiser le traitement par électrodialyse, dit Joseph Makhlouf. Nous voulons aussi explorer les applications possibles de cette technologie dans d'autres domaines de l'agroalimentaire."