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10 avril 1997 ![]() |
Des médecins et des chercheurs explorent le potentiel biomédical du monoxyde d'azote, la molécule aux mille vertus.
Molécule de l'année de la revue Science en 1992 et cause d'un éventuel prix Nobel pour ceux qui ont mis en lumière son mécanisme de synthèse dans l'organisme, le monoxyde d'azote (NO) suscite une véritable ruée dans le monde biomédical. En moins de dix ans, le NO est passé du rang de sujet de recherche marginal à celui de molécule vedette. En 1996 seulement, le NO a fait l'objet de 2 800 articles scientifiques et la cadence s'accentue puisqu'on parle de 1 100 publications dans les trois premiers mois de 1997. Plusieurs estiment que ce qui est maintenant connu de cette molécule n'est que la partie visible de l'iceberg.
"On a déjà trouvé beaucoup d'usages au NO et il en reste sûrement plusieurs à découvrir, estime Jean Perron, chirurgien cardiaque pédiatrique à l'Hôpital Laval. Aujourd'hui, on se demande comment une molécule aussi importante a pu nous passer sous le nez pendant tant d'années."
Promouvoir le NO
Le NO est un gaz présent à l'état naturel dans l'atmosphère
mais il est également produit par toutes les cellules du corps humain.
Il joue un rôle de premier plan comme neurotransmetteur dans le système
nerveux, il contrôle la tension artérielle et la distribution
du sang dans les organes en plus d'intervenir dans les poumons pour maintenir
la pression sanguine et pour augmenter la quantité d'oxygène
transportée par le sang. Les voies nasales supérieures, notamment
les sinus, seraient de véritables usines à NO qui exportent
leur production directement dans les poumons où le précieux
gaz entre en contact avec tout le sang du corps.
Découverts au cours des années 1980, les différents mécanismes dans lesquels intervient le NO ont ouvert la voie, depuis 1993, à des applications thérapeutiques par inhalation. Le défi actuel consiste à déterminer les bonnes concentrations de gaz à utiliser car, à trop fortes doses, le monoxyde d'azote est toxique pour l'organisme. Jean Bussières, anesthésiste à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de l'Université Laval, coordonne les efforts du Groupe NO Laval pour promouvoir l'utilisation médicale de ce gaz et la recherche sur ses effets cliniques. Les efforts de son groupe se concrétisent cette semaine par la mise en marche, à l'Institut universitaire, de la première unité de traitement au monoxyde d'azote dans la région de Québec. Les 40 000 $ requis pour l'achat de l'appareil ont été versés en bonne partie par la Fondation de la recherche sur le monoxyde d'azote.
Le Groupe NO Laval, de concert avec des spécialistes des facultés de médecine des universités de Sherbrooke, de Montréal et McGill, veut sauter dans le train du monoxyde d'azote, qui roule déjà à pleine vapeur, en misant sur un aspect encore peu exploré: la dimension préventive du NO. "Présentement, explique Jean Bussières en guise d'exemple, le NO est administré aux patients en salle de réanimation alors qu'on aurait peut-être avantage à commencer le traitement avant la chirurgie".
Bloquer le NO
Le NO n'a pas que des effets positifs pour l'organisme, comme le démontre
un article, publié dans Antimicrobial Agents et Chemotherapy,
par les chercheurs Kabore, Denis et Bergeron. Les trois chercheurs du Centre
de recherche en infectiologie du CHUL ont placé des cellules rénales
en présence d'endotoxines, des composés produits par des bactéries,
simulant ainsi les conditions d'une infection rénale. Après
quelques jours, les cellules de l'hôte ont surproduit du NO causant
des dommages sérieux aux cellules.
Lors d'une infection bactérienne, explique Michel G. Bergeron, il arrive que le NO soit produit en trop grandes quantités ce qui provoque une dilatation exagérée des vaisseaux, une fuite du liquide intravasculaire et une baisse de pression. La réaction immunitaire à l'attaque bactérienne brise l'équilibre du NO dans l'organisme et cause un choc septique. "Je crois qu'on pourrait espérer augmenter significativement la survie de patients atteints de certaines maladies infectieuses en bloquant l'excès de NO, dit-il. Mais il ne faut cependant pas oublier que le NO n'est qu'un des nombreux joueurs qui interviennent dans le système de défense du corps humain."
JEAN HAMANN