9 janvier 1997 |
Repousser continuellement les échéances, cela s'appelle la procrastination. Un mal qui peut faire des ravages chez les étudiants universitaires.
Qui n'a pas eu, un jour, à remettre au lendemain ou à repousser une échéance? Ce phénomène, pour tout à fait humain qu'il soit, prend parfois des proportions chroniques et tragiques quand il sévit dans le milieu scolaire, plus encore, universitaire.
"On a tous tendance, comme êtres humains, à agir de la sorte devant des tâches qui semblent complexes ou désagréables. Mais quand un individu reporte constamment à plus tard et qu'il se place ainsi dans des conditions pénibles, on peut alors vraiment dire qu'il y a un problème, qu'il y a procrastination."
Anne-Louise Fournier, conseillère au Service d'orientation et de counseling, sait de quoi il retourne: elle se penche sur le traitement en groupe de la procrastination.
Un phénomène d'évitement
Les scénarios habituels, que la conseillère fait se dérouler
sous nos yeux, nous font voir un procrastinateur universitaire qui remet
un travail à plus tard, quitte à perdre des points, qui se
retrouve la veille d'un examen, à 2 h 45 du matin, en train d'étudier
parce qu'il n'avait pas encore commencé à le faire, et qui
se crée des situations périlleuses pouvant entraîner,
pour beaucoup, l'abandon de cours... et des échecs.
"Les gens aux prises avec ce genre de problème vivent un cycle qui se répète toujours, confie Anne-Louise Fournier. Ils se disent : "Cette fois-ci, je vais m'y mettre". Ils pensent, ils pensent et ils s'organisent, mais ils ne vont jamais arrivés à démarrer. Ils vont se qualifier de paresseux, mais ils vivent davantage dans la culpabilité, la peur. Dans le fond, la procrastination, c'est un phénomène d'évitement." Et le salut est loin d'être dans la fuite car, fait remarquer la conseillère, plus ils reportent, plus cette peur augmente et devient omniprésente.
Une société de la performance
La plupart des étudiants procrastinateurs rencontrés ont
bien réussi à l'école sans avoir à mettre trop
d'efforts, a observé la conseillère. Les premiers symptômes
ayant sans doute commencé à se manifester au cégep,
ils se sentent dépourvus une fois rentrés à l'université,
car ce n'est pas normal pour eux d'investir les efforts requis. Ils s'interrogent
alors sur ce qui cloche, et se demandent s'ils ont perdu leurs talents.
"J'ai peur qu'on s'en aille vers une société "procrastinatrice", car elle valorise énormément LA performance au détriment de l'effort, craint-elle. Dans le contexte actuel, faire des efforts revient à dire qu'on n'est pas intelligent, qu'on n'a pas de talent. Voilà pourquoi, parmi les gens qui ont peur de l'échec, on compte aussi nombre de perfectionnistes devenus des procrastinateurs qui se fixent des objectifs irréalistes, beaucoup trop élevés. En fait, au sein de cette société qui a délaissé un peu la discipline pour ne pas brimer les gens, encore trop d'étudiants s'imaginent pouvoir atteindre le succès sans s'imposer de sacrifices."
Temps et psychologie
Le temps fuit, il fuit très vite pour les procrastinateurs. "Ce
serait toutefois une erreur de vouloir les "traiter" en abordant
uniquement la gestion du temps", déclare Anne-Louise Fournier.
La recette miracle n'existe pas... comme dans tout traitement psychologique, d'ailleurs. Et on doit livrer bataille sur deux fronts à la fois : la gestion du temps (établir des priorités, des objectifs réalistes, apprendre à planifier) et les facteurs psychologiques (perfectionnisme, peur de l'échec, des contraintes, du contrôle, etc.). "Et souvent, derrière, apparaît un problème de confiance en soi. La procrastination, c'est le symptôme d'un malaise, de quelque chose de plus important", rajoute la professionnelle du Service d'orientation et de counseling.
Le cadre de la "thérapie" que l'on privilégie : d'abord les entrevues individuelles, puis, pour ceux et celles qui le désirent, le traitement en groupe, au début de chaque trimestre, au sein duquel les étudiants s'appuient, se donnent des trucs... et s'aperçoivent qu'ils ne sont pas seuls à vivre ce problème.
La procrastination, quand on lit la littérature sur le sujet, est probablement le problème scolaire le plus difficile à résoudre. "On essaie toujours de trouver les solutions les plus efficaces, explique la conseillère. On ne parle pas de réussite en termes de guérison totale, mais de progrès, d'amélioration, de conscientisation. Notre but, ce n'est pas tant de les guérir que de les mieux outiller pour que, lorsqu'ils seront confrontés à une situation problématique, ils soient capables de surmonter cette difficulté."
Les étudiants et les étudiantes désirant prendre en main leur problème de procrastination peuvent s'inscrire (avant le 3 février) à un atelier de six rencontres animées par Anne-Louise Fournier, qui auront lieu les vendredis, de 9 h à 11 h 30, à compter du 7 février. Pour ce faire, s'adresser au Service d'orientation et de counseling, bureau 2121, pavillon Maurice-Pollack, 656-7987.