9 janvier 1997 |
Les visites écotouristiques bien encadrées affectent peu le comportement des caribous des Grands-Jardins. Mais le maintien des conditions idéales de ces tête-à-tête demeure fragile.
Sous leur forme actuelle, les randonnées guidées hivernales qui conduisent les touristes à proximité des caribous vivant dans les montagnes des Grands-Jardins (Charlevoix) ont une influence minime sur le comportement des bêtes. Il semble donc peu probable que cette activité affecte significativement le bilan énergétique des caribous ou compromette la présence de ce troupeau dans Charlevoix, conclut une étude menée par l'étudiant-chercheur Mario Duchesne, sous la supervision de Cyrille Barrette, du Département de biologie.
La présence des visiteurs modifie surtout le comportement des mâles et des jeunes qui s'alimentent moins et passent jusqu'à trois fois plus de temps debout ou en vigilance lors des visites. Par contre, une forme de tolérance à la présence humaine s'installe progressivement. "Au début de l'étude, en janvier 1995, 50 % des groupes de caribous fuyaient lorsque nous arrivions sur le site pour les observer, signale Mario Duchesne. En mars, ce pourcentage avait diminué de moitié."
Ces conclusions tranchent avec celles d'une autre étude de 1993 réalisée dans le Parc de la Gaspésie par l'étudiant-chercheur André Dumont et Cyrille Barrette. L'activité des quelque 8 500 randonneurs qui visitent chaque année les sommets du parc avait un impact négatif sur les caribous. Leur présence amènerait les caribous à quitter les plateaux découverts des montagnes pour trouver refuge dans des zones boisées adjacentes où rôdent coyotes et ours noirs, les deux principaux prédateurs du caribou dans le parc.
"Dans Charlevoix, les visites se déroulent toujours sous la supervision d'un guide, les gens se déplacent en ski de randonnée, ils restent regroupés et la période pendant laquelle les caribous sont en présence des visiteurs est relativement courte. Après une quinzaine de minutes, les gens ont vu ce qu'ils voulaient voir et la plupart veulent bouger parce qu'il fait froid", résume Mario Duchesne.
Voir plus loin que son museau
Le troupeau des Grands-Jardins, qui aurait compté jusqu'à
10 000 têtes au début du siècle, a complètement
disparu entre les années 1920 et 1925. Le programme de réintroduction,
réalisé entre 1969 et 1972, semble finalement porter fruit
puisque la population dépasse maintenant la centaine et continue
d'augmenter. Présentement, un seul organisme offre des randonnées
dans Charlevoix mais si jamais d'autres devaient s'ajouter, il faudrait
faire montre de prudence, croit Mario Duchesne, qui a d'ailleurs fondé,
avec des partenaires, Tarandus Charlevoix, une société sans
but lucratif assurant l'étude et le suivi de la population de caribous.
"Nous recommandons que la taille des groupes de visiteurs soit contingentée à une douzaine de personnes et que celles-ci soient encadrées de façon à maintenir regroupés les visiteurs afin de réduire au maximum l'impact de cette activité. De plus, la fréquence des visites écotouristiques dans les ravages devrait être d'au plus une excursion quotidienne afin de réduire au maximum l'impact de cette activité."
Le biologiste propose également de limiter la durée de chaque visite à 30 minutes, de maintenir une distance d'au moins 30 mètres entre les visiteurs et les caribous et d'interdire la circulation en motoneige dans un rayon de trois kilomètres des caribous. "Il serait dommage d'assister à une deuxième disparition des caribous des Grands-Jardins tout simplement par un manque de vision à long terme".