19 septembre 1996 |
Véhiculées majoritairement par la publicité, les représentations télévisuelles de la santé vont-elles dans le sens souhaité?
Qu'ont en commun des séropositifs invités à la table de Janette Bertrand, des toxicomanes à qui Claire Lamarche donne droit de parole, les personnages des téléséries Urgence ou Scoop, Charles Tyssère qui présente une découverte médicale révolutionnaire et un commercial d'aspirine? Tous, à leur façon, contribuent à construire l'image que nous avons de la santé dans notre société.
Les journalistes, les professionnels de la santé, les animateurs-vedettes, les personnages de téléromans et les publicités transmettent, par ce qu'ils disent ou ce qu'ils font, des énoncés sur la santé qui influencent l'image que nous nous en faisons. «Comme la télé est devenue la plus importante source de définition des normes culturelles et qu'elle occupe la majeure partie des temps libres des Québécois, les énoncés qu'elle fait sur la santé ont une portée non négligeable», note la professeure Lise Dubois, du Département des sciences des aliments et de nutrition, qui a réalisé une thèse de doctorat sur le sujet dont elle relate quelques-unes des conclusions dans un récent numéro de la Revue canadienne de santé publique .
Trois semaines en mars
Afin de cerner, dans son ensemble, l'image de la santé projetée par le petit écran, la chercheure a analysé 756 heures d'émissions télé diffusées sur SRC et TVA en mars 1992. De ces trois semaines d'émissions, elle a dégagé plus de 7 000 énoncés directs ou indirects touchant huit comportements reliés à la santé: tabagisme, alcool, drogues, alimentation, activité physique, exposition au soleil, stress et comportement sexuel. «Prises une à la fois, les émissions n'ont pas une grande portée pour la santé mais lorsqu'on les écoute comme un ensemble, on observe des tendances qui s'en dégagent», dit-elle.
Son premier constat: les représentations télévisuelles de la santé ne vont pas toujours dans le sens des interventions souhaitées en promotion de la santé. La vedette qui se dit incapable d'avaler une bouchée pour déjeuner, les personnages de téléromans qui n'utilisent pas de préservatifs lors de rencontres d'un soir ou ceux qui sautent dans leur auto après un party de bureau bien arrosé s'inscrivent en opposition aux campagnes officielles de promotion de la santé.
La pub d'abord
Autre constat inquiétant: la plus importante source d'énoncés sur la santé est la publicité de produits et services qui accapare 45 % du total, laissant loin derrière les publicités sociales (campagnes gouvernementales sur les MTS, l'alcool, les drogues, etc.) qui ne font qu'un maigre 1% de l'ensemble. «Cette tendance lance un message indirect clair: il faut dépenser pour se maintenir en santé, observe Lise Dubois. Cette tendance se retrouve même dans les émissions d'information sur la santé qui présentent des reportages nous invitant à relaxer en faisant du ski alpin ou en s'offrant des séances de massage ou de thalassothérapie alors qu'on peut obtenir le même résultat en faisant une marche ou en lisant un bon livre.»
Après les publicités, les autres sources d'énoncés sur la santé au petit écran sont, par ordre d'importance, les animateurs-vedettes (20 %), les personnages fictifs (11 %), les journalistes (9 %}, le public (9 %) et, paradoxalement, les professionnels de la santé (6 %). «La grande majorité des énoncés (79 %) présentent la santé comme une affaire personnelle, note également la chercheure, alors qu'on sait très bien que les facteurs sociaux sont les principaux déterminants de la santé.»
Lise Dubois se défend bien de porter un jugement de valeur sur la qualité de l'information diffusée par les réseaux de télévision. «La télévision n'est pas un outil de promotion de la santé, dit-elle, mais c'est un beau miroir des tendances sociales. Les professionnels de la santé doivent être au fait de l'image qu'elle donne de la santé s'ils veulent que leurs interventions soient plus efficaces.»