16 novembre 1995 |
MIREILLE PLAMONDON: LE MIROIR DU TH��TRE
� la fin des ann�es 1960, une jeune auteur inconnu du nom de Michel Tremblay jetait une douche froide dans la mer jusque l� assez tranquille du paysage th��tral qu�b�cois avec une pi�ce � caract�re universel qui allait bient�t faire le tour du monde:
Les Belles-Soeurs. Si on admet qu'une soci�t� en crise a besoin d'un personnage subversif pour retrouver l'unit�, le Qu�bec de la R�volution tranquille a d�couvert dans la dramaturgie de Michel Tremblay la synth�se d'une probl�matique sociale qui est devenue, � son tour, un ph�nom�ne d�terminant dans l'affirmation de l'identit� qu�b�coise.
C'est ce que r�v�le Mireille Plamondon dans son m�moire de ma�trise effectu� sous la direction d'Ir�ne Perelli-Contos, du D�partement des litt�ratures. Dans cette �tude, la chercheuse �tudie la figure du bouc �missaire dans trois pi�ces de ce qu'il est convenu d'appeler le cycle des Belles-Soeurs: � toi, pour toujours, ta Mari-Lou (1971), Sainte Carmen de la Main (1976) et Damn�e Manon, sacr�e Sandra (1977). �Ces pi�ces portent l'empreinte des bouleversements sociaux qu'a connus le Qu�bec pendant la R�volution tranquille et sont le miroir grossissant que l'auteur tend � tout un peuple�, affirme Mireille Plamondon. Selon elle, le personnage de Carmen, une chanteuse de cabaret qui s'est investie de la misssion de transformer les gens de la main et de participer � leur salut, s'apparente en quelque sorte au au Qu�bec des ann�es 1970 qui, lui aussi, avait pris conscience de son inf�riorit� �conomique. �Carmen choisit le chant pour s'affranchir. Le peuple qu�b�cois se tournera vers ce qui le distingue: sa culture francophone. C'est �galement dans les biens culturels et les talents artistiques qu'il investira pour se faire conna�tre.�
Si Carmen est la figure du bouc �missaire par excellence, c'est- �-dire la victime sacrifi�e par qui l'ordre revient dans la soci�t�, sa �mise � mort� amorcera un processus de changement pour toute la Main. La chanteuse n'a pas r�ussi � convaincre son public qu'il pouvait se sortir de la mis�re, mais elle a cependant provoqu� une prise de conscience. �Temporairement, l'ordre est r�tabli sur la Main, mais le chemin est maintenant ouvert vers la modification en profondeur du syst�me, note Mireille Plamondon. � la suite de Carmen, d'autres personnages vont s'engager dans une prise de conscience similaire qui permettra de sensibiliser toute la population. Dans cet acc�s � un nouvel ordre, le sacrifice de Carmen laisse donc entrevoir la lumi�re au bout du tunnel et devient un message d'espoir.� Dans son m�moire, la chercheuse souligne qu'en utilisant la m�me langue des gens du milieu qu'il d�crivait, le joual, Michel Tremblay pla�ait � l'avant-sc�ne toute la probl�matique du Qu�bec, cette �sous-langue� t�moignant de l'�tat d'ali�nation du Qu�bec depuis la Conqu�te. En amenant le peuple qu�b�cois � r�fl�chir sur sa condition de colonis� et � vouloir en changer, Michel Tremblay aura finalement fait avancer le Qu�bec d'un pas vers l'autonomie.
REN�E LAROCHELLE
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