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28 septembre 1995 ![]() |
Id�es
O� �tiez-vous dans la nuit
du 5 au 6 novembre?
PAR MAX NEMNI, PROFESSEUR AU D�PARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE
�Le discours d�magogique reconstruit un fait r�el et le "parasite" en fonction des besoins de l'heure�
� la veille d'un deuxi�me r�f�rendum sur la s�cession du Qu�bec, il convient de rappeler que le nationalisme est un instrument id�ologique extr�mement efficace qui se nourrit de mythes et de symboles. Ces mythes se tissent autour de faits marquants transform�s en fonction des besoins politiques de l'heure. Il n'est donc pas �tonnant que le rapatriement de la Constitution en 1982, incontestablement un des faits les plus marquants de l'histoire du Canada, ait favoris� l'�closion de mythes particuli�rement tenaces que l'on confond aujourd'hui avec la r�alit�.
Le fait r�el qui leur a donn� naissance a �t� le refus du gouvernement p�quiste de l'�poque d'ent�riner l'accord de rapatriement sign� le 5 novembre 1981 par le gouvernement f�d�ral et les gouvernements de toutes les autres provinces. Cette date, baptis�e depuis par les marchands d'illusions �la nuit des longs couteaux�, constitue la pi�ce ma�tresse de ce qui expliquerait �l'isolement� et �l'humiliation� du Qu�bec en 1982:
�Above all, we must never forget that in 1982, Quebec was left alone, isolated and humiliated.�
C'est ainsi que s'exprimait le Premier ministre Brian Mulroney lors de la crise de Meech dans un discours rapport� dans The Financial Post du 14 d�cembre 1990. Pourtant, dans son autobiographie intitul�e Where I Stand, parue en 1983, soit un an apr�s le rapatriement, on ne trouve aucune d�nonciation de quelque �humiliation� que ce soit. Bien au contraire: Mulroney appuyait alors enti�rement l'initiative du gouvernement Trudeau qu'il accusait pourtant par ailleurs de tous les p�ch�s. Mais, lors de l'�lection de 1984, les conservateurs, pour qui l'appui du Qu�bec �tait indispensable, s'alli�rent � ceux qui, jusqu'�lors, luttaient pour la s�cession du Qu�bec. Une fois au pouvoir, Mulroney changea donc son fusil d'�paule et, se drapant de la cape du �r�conciliateur national�, dirigea la campagne de Meech qui consistait, disait-il, � ramener le Qu�bec dans la famille constitutionnelle canadienne �dans l'honneur et l'enthousiasme�.
Ce slogan avait un double message: il laissait entendre, d'une part, que le Qu�bec avait �t� trahi et volontairement exclu de quelque chose d'important et, d'autre part, que son honneur �tait en jeu. C'est sur cette toile de fond qu'on tissa toute une s�rie de symboles mettant en relief la profondeur de �l'humiliation� du Qu�bec ainsi que la n�cessit� pour le reste du Canada de lui faire amende honorable.
C'est dans une entrevue accord�e � La Presse, le 15 juin 1988, que le s�nateur Lowell Murray, porte-parole du gouvernement dans le dossier constitutionnel, pr�senta l'acte d'accusation contre l'ex-Premier ministre Trudeau:
La promesse solennelle faite aux Qu�b�cois, pendant le r�f�rendum, que le f�d�ralisme serait renouvel� et que la Constitution serait modifi�e afin de tenir compte du caract�re distinct et des aspirations du Qu�bec, n'avait malheureusement pas �t� tenue.
Cette accusation fut reprise tr�s fr�quemment par Mulroney qui la consacra officiellement d'ailleurs dans son intervention aux Communes en octobre 19881. Et pour cause: il savait bien que plus les conservateurs noircissaient leurs adversaires, mieux ils construisaient leur image de �r�conciliateurs�.
Cette id�e que le Qu�bec avait �t� trahi et exclu, symbole cl� de tout le processus, �tait fond�e sur deux �l�ments, eux-m�mes d'ordre mythique et symbolique: premi�rement, la promesse solennelle--mais, disait-on, vite oubli�e--de Trudeau lors de la campagne r�f�rendaire de 1980 et, deuxi�mement, l'isolement du Qu�bec lors de la fameuse �nuit des longs couteaux�.
L'effet mobilisateur de ces deux symboles �tait d'autant plus efficace que ceux-ci partaient de faits empiriques r�els quoique reconstruits pour les besoins de la cause. Car, au lieu de miser sur un mensonge invent� de toute pi�ce, le discours d�magogique part d'un fait r�el mais le reconstruit, le �parasite�, en fonction des besoins de l'heure. Ainsi, pour mieux cerner le contenu id�ologique de la d�marche de Mulroney, il faut revenir aux faits eux-m�mes avant leur �parasitage�.
La pr�tendue promesse trahie
Si les accusations de Mulroney et de son �quipe semblaient alors cr�dibles, c'est que l'id�e d'une promesse non respect�e de Trudeau impr�gnait d�j� fortement l'imaginaire qu�b�cois. En effet, le vent nationaliste aidant, l'ex-Premier ministre du Canada, qui tout au long de sa vie politique avait gagn� l'appui massif des Qu�b�cois mais non celui des nationalistes, �tait devenu une proie de choix. Il incarnait � leurs yeux une conception vieillie d'un f�d�ralisme hypercentralis� visant � �mettre le Qu�bec � sa place�. La preuve ultime qu'on invoquait contre lui �tait la fameuse �promesse trahie�.
Si l'on ne se laissait pas aveugler par l'id�ologie, on devrait �tre ahuri que Trudeau ait fait la promesse solennelle qu'on lui attribue. En effet, on sait qu'il a toujours lutt� contre tout �statut sp�cial� et toute autre forme de dualisme au Canada. Pour lui, la promotion du Qu�bec et du fait fran�ais passaient par le bilinguisme et l'ouverture du Canada plut�t que par l'institutionnalisation de particularismes ethnoculturels. Voil� qu'on lui reprochait maintenant de n'avoir pas tenu la promesse de tenir compte du caract�re �distinct� du Qu�bec. Pour le croire, il faut n'avoir lu aucun de ses �crits ni �cout� aucun de ses discours ou �tre dupe du discours d�magogique. En fait, toute cette construction mythique repose sur un tr�s bref passage d'un discours prononc� � l'ar�na Paul Sauv�, en pleine campagne r�f�rendaire. Voici cette �promesse�:
Je m'adresse solennellement aux autres Canadiens des autres provinces: nous mettons notre t�te en jeu, nous du Qu�bec, quand nous disons aux Qu�b�cois de voter Non. Nous vous disons que nous n'acceptons pas qu'un Non soit interpr�t� par vous comme une indication que tout va tr�s bien puis que tout peut rester comme c'�tait avant. Nous voulons des changements2.
Comme on le voit, seuls sont promis �des changements�. Tout ce que Trudeau affirmait explicitement �tait qu'un Non ne voulait pas dire que �tout pouvait rester comme avant�. Un Non serait donc interpr�t� comme un rejet de la �souverainet�-association� et non comme un appui au statu quo. Il est difficile de penser � une promesse plus anodine: tout au plus pourrait-on reprocher au Premier ministre de n'avoir pas promis grand-chose! Ce discours dans un ar�na, abusivement pr�sent� comme une sorte d'�nonc� de politique, ne faisait aucune allusion au caract�re �distinct� ni aux aspirations du Qu�bec, comme le pr�tendaient Lowell Murray et Brian Mulroney. De plus, le Premier ministre s'adressait �aux autres Canadiens des autres provinces� et disait que �nous [Qu�b�cois] voulons des changements.� A qui s'adressait donc la promesse? Aux Qu�b�cois ou aux autres Canadiens?
Mais les mythes, repr�sentations symboliques d'une certaine vision des faits, se construisent et se reconstruisent en fonction des forces en pr�sence et des n�cessit�s politiques de l'heure. Lorsque, tout au long de l'�pisode Meech, l'�quipe Mulroney se r�f�ra � la �promesse� de Trudeau, cette invention �tait d�j� inscrite dans l'imaginaire collectif des Qu�b�cois gr�ce en partie au livre de Claude Morin au titre �vocateur de:
Lendemains pi�g�s: du r�f�rendum � la nuit des longs couteaux, paru en 1988 chez Bor�al. Peut-on s'�tonner que Morin, n�gociateur en chef du gouvernement p�quiste en novembre 1981, et donc principal responsable de la strat�gie perdante du Qu�bec, tente de blanchir son �quipe en accusant tous les �autres� de l'avoir ignominieusement trahie?
Nous reviendrons plus loin sur le symbole des �longs couteaux�. Contentons-nous ici de noter comment l'id�ologie a pris le dessus en d�naturant les paroles de Trudeau. A propos de ces �promesses", en r�ponse � Trudeau qui demandait qu'on prouve qu'il n'avait pas tenu parole, Marcel Adam dans La Presse du 11 mars 1989 eut au moins l'honn�tet� d'avouer:
J'entre ici dans l'ordre des intentions et je sais que c'est un peu odieux. Cependant, en choisissant d'�tre vague, M. Trudeau laissait le soin aux gens d'interpr�ter le sens de son engagement � ses risques et p�rils.
En effet, voil� la �promesse trahie� r�duite � un proc�s d'intention. Toujours dans La Presse, dans une longue lettre parue le 28 mars de la m�me ann�e, Claude Morin entrait lui aussi dans l'ordre des intentions mais sans l'avouer. Sur un ton narquois, il psychanalisait Trudeau en affirmant que �par un de ses raccourcis typiques, l'ancien Premier ministre semblait raisonner comme si un Non aurait signifi� l'adh�sion automatique des Qu�b�cois � sa conception personnelle du Canada.� De plus, oubliant le fait exceptionnel que pour la premi�re fois dans l'histoire du Canada neuf provinces sur dix avaient donn� leur accord au rapatriement, Morin demandait �pourquoi un Non lui aurait-il magiquement conf�r�, � lui, le pouvoir d'en faire � sa t�te...?� Morin contribuait ainsi � la construction d'une autre image syt�matiquement exploit�e depuis l'�pisode de Meech, celle d'un Trudeau ent�t� for�ant les Qu�b�cois � se soumettre � ses diktats. Comme on le voit, ce n'est qu'en ayant recours � un proc�s d'intention qu'on a pu faire dire � quelques phrases anodines d'un politicien en pleine campagne r�f�rendaire ce que l'on a voulu leur faire dire. Mais c'est l� justement que r�side la force des mythes. Une fois enguirland�s et mis sur sc�ne, ils deviennent des pseudo-faits qui s'enchev�trent avec la r�alit�.
C'est ainsi que le s�nateur Murray, le Premier ministre Mulroney et leur nombreux compagnons de route se servirent g�n�reusement du mythe de la �promesse trahie�. Ce faisant, ils posaient un des fondements de �l'humiliation� du Qu�bec: un des �siens� l'avait trahi.
La pr�tendue nuit des longs couteaux
Mais l� n'est pas la seule cause de �l'humiliation� du Qu�bec. En effet, �la nuit des longs couteaux", deuxi�me axe de cette reconstruction du nationalisme, est per�ue comme une autre machination visant � isoler le Qu�bec pour �le mettre � sa place�. L� encore, la construction du mythe part d'un substrat factuel. Retra�ons donc, bri�vement, la s�quence des �v�nements menant � cette nuit fatidique du 5 au 6 novembre 1981 afin de faire la part du mythe et de la r�alit�.
Jusqu'au matin du 5 novembre, les n�gociations pr�alables au rapatriement de la Constitution �taient dans l'impasse. Un bloc de huit provinces, au coeur desquelles se trouvait le Qu�bec, formait un front commun qui semblait in�branlable dans son opposition au projet f�d�ral. Pour d�nouer l'impasse, le gouvernement f�d�ral proposa un projet de r�f�rendum comme condition pr�alable � l'insertion, dans une Constitution rapatri�e, d'une charte des droits et libert�s et d'une formule d'amendement. La d�l�gation qu�b�coise fut � ce point emball�e par ce projet qu'elle abandonna sur le champ ses alli�s. Il est difficile d'expliquer ce revirement total de la part de n�gociateurs chevronn�s. D'un point de vue strat�gique, le P.Q. pensait peut-�tre ainsi gagner du temps, ce qui lui aurait permis d'emporter la victoire au r�f�rendum. Telle �tait, en tout cas, la vision de Claude Charron qui, dans Le Devoir du 5 novembre 1981, affirmait:
C'est la solution id�ale pour nous. Nous repoussons la menace de deux ans et nous sommes s�rs de notre victoire au r�f�rendum.
Ren� L�vesque lui-m�me partageait cette perspective et, dans La Presse du m�me jour, d�clarait la proposition conforme �aux principes d�mocratiques�:
Ca nous para�t une fa�on respectable et extraordinairement int�ressante de sortir de cet imbroglio.
Charron et L�vesque n'�taient pas seuls � trouver cette proposition �extraordinairement int�ressante�. Comme le rapportait alors Michel Vastel dans Le Devoir du m�me jour:
A ce moment l�, la d�l�gation qu�b�coise jubilait et, au risque de d�plaire � ses partenaires du Front commun, n'h�sitait pas un instant � monter dans le train propos� par Ottawa.
Dans la reconstruction actuelle de �la nuit des longs couteaux�, l'abandon spectaculaire de ses alli�s par la d�l�gation qu�b�coise ainsi que l'euphorie du matin du 5 novembre sont soit compl�tement oubli�s, soit � peine �voqu�s. Il est vrai que l'enthousiasme de la d�l�gation qu�b�coise ne dura que quelques heures. En fin de journ�e le ton avait compl�tement chang�; rien n'allait plus et Ren� L�vesque d�clarait que, vue de pr�s, la proposition n'�tait plus la m�me. Mais au lieu d'expliquer les deux revirements survenus coup sur coup en une demi-journ�e, Ren� L�vesque se contentait alors d'affirmer que �c'est devenu tout � coup du vrai chinois.�
Ces louvoiements spectaculaires discr�ditaient le Qu�bec aux yeux m�mes des experts qu�b�cois. Toujours selon le reportage de Vastel, pourtant bien connu pour ses penchants nationalistes et p�quistes:
Un haut fonctionnaire qu�b�cois devant qui on s'�tonnait qu'il ne tente pas une derni�re tentative de tenir les provinces ensemble, r�pondait d�sabus�: �Nous n'avons plus aucune cr�dibilit� apr�s ce qui s'est pass� ce matin�.
Cependant, ces revirements, presque totalement oubli�s aujourd'hui, eurent � l'�poque des effets profonds et imm�diats sur le cours des n�gociations. Le front des huit, qui avait fait ses preuves jusque-l�, s'�croula comme un ch�teau de cartes. L'alliance entre le Qu�bec et les sept provinces s'�tait d�t�rior�e � un tel point que, comme le disait si bien Le Devoir, �en fin de journ�e le torchon br�lait entre L�vesque et ses anciens alli�s.� Les repr�sentants du Qu�bec �taient mal pris et ne savaient plus quoi dire aux journalistes qui les interrogaient avant leur d�part pour leur h�tel � Hull. Ren� L�vesque, pour une fois � court de paroles, se contenta de dire:
�La nuit porte conseil�.
Dans la nuit du 5 au 6 novembre l981, les sept provinces abandonn�es par le Qu�bec se r�unirent � Ottawa dans la chambre d'h�tel d'Alan Blakeney, Premier ministre de la Saskatchewan. La r�union prit fin � 3 h 30 du matin et, � partir d'une proposition de Terre-Neuve, un accord fut conclu entre les sept provinces et Ottawa.
D�s le matin, apprenant ce qui s'�tait pass�, Ren� L�vesque, selon un reportage de la Gazette du 6 novembre 1981, accusa les �autres�:
I went to breakfast, and discovered that the seven had got together to tear up the agreement signed by everybody.
Les faits �taient ainsi compl�tement renvers�s. Selon L�vesque, ce n'�tait pas le Qu�bec, mais les sept provinces qui avaient bris� l'accord.
Voil�, en r�sum�, le d�roulement de ce qui aboutit � la fameuse �nuit des longs couteaux�. Une analyse tant soit peu objective de ces �v�nements ne peut ignorer le fait que la d�l�gation du Qu�bec avait, pour le moins, contribu� � son propre isolement. Mais les faits que nous venons de rappeler ne figurent g�n�ralement pas dans les �crits sur la question. En omettant les s�quences, pourtant cruciales, de la journ�e du 5 novembre et en mettant en exergue l'accord intervenu la nuit du 5 au 6 entre les autres participants, on construit une image frappante de l'isolement et de l'exclusion du Qu�bec.
La reconstruction de ces �v�nements centr�e sur l'image de l'abandon du Qu�bec par les sept ne tarda pas � prendre forme. Michel Vastel, qui la veille encore soulignait, d'abord, la vitesse avec laquelle la d�l�gation qu�b�coise �tait �mont[�e] dans le train propos� par Ottawa� et, ensuite, sa �perte de cr�dibilit� et sa d�moralisation, adopta sans sourciller l'interpr�tation de L�vesque et eut le front d'�crire dans Le Devoir du 6 novembre: �Il a suffi d'une nuit pour qu'une incroyable machination entre le gouvernement f�d�ral et les neuf provinces anglophones accule le Qu�bec � l'isolement.� Alors qu'on parlait la veille du �torchon [qui] br�lait entre L�vesque et ses alli�s", on parla dor�navant du Qu�bec �accul� � l'isolement par Ottawa et les neuf provinces anglophones. Le Qu�bec, dans cette reconstruction mythique, devient une fois de plus victime du �Canada anglais�.
Cette image d'une �machination� ourdie contre le Qu�bec interdit toute �valuation critique, voire neutre, de la strat�gie de la d�l�gation qu�b�coise. La possibilit� d'une erreur strat�gique, sinon d'un grave impair moral, ne devient m�me plus envisageable. Le Qu�bec a �t� bafou�: il faut se rallier. Le �noble mensonge� permet � la d�l�gation du Qu�bec de s'en tirer � bon compte. C'est ainsi qu'autour de l'isolement auto-inflig� de la d�l�gation du Qu�bec germa le mythe de la �machination", image qui fut remplac�e plus tard par le symbole infiniment plus puissant de �la nuit des longs couteaux�. Mais d'o� vient au juste cette expression?
Essayons une derni�re fois de remonter aux faits r�els. La vraie �Nuit des longs couteaux� repr�sente une des trahisons les plus macabres de notre si�cle. Cet �v�nement, qui dura deux nuits et un jour, du vendredi 30 juin au dimanche 2 juillet 1934, fut ainsi nomm� par Hitler lui-m�me, qui avait ordonn� l'assassinat syst�matique de certains de ses acolytes, pourtant fid�les, qui le d�rangeaient. �Cette fois, avait dit Hitler, la r�volution devrait �tre sanglante... [on la nommerait] la Nuit des longs couteaux3.� Comment une imagination, m�me des plus f�briles, a-t -elle pu utiliser, pour d�crire des n�gociations tout � fait l�gitimes, un des symboles les plus odieux de l'histoire r�cente?
Serait-ce que, contrairement aux dires des intellectuels nationalistes, les Qu�b�cois semblent appr�cier tant la Constitution de 1982 que la Charte qui l'accompagne? Serait-ce que les images n�cessaires � la construction de mythes doivent �tre d'autant plus fortes que la v�rit� � cacher est plus g�nante? Serait-ce que la d�l�gation qu�b�coise, prise � son propre pi�ge, a voulu faire croire que sa propre humiliation �tait celle de tous les Qu�b�cois?
Serait-ce l� l'explication de la pr�tendue �humiliation� du Qu�bec?
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1Hansard, 21 octobre 1988.
2Passage du discours tel que cit� par Marcel Adam dans sa r�plique � Trudeau, lors d'une pol�mique sur la port�e de ses promesses, dans La Presse du 11 mars 1989. Les �changes entre Adam, Morin et Trudeau sont reproduits dans Lac Meech: Trudeau parle, Hurtubise HMH, 1989.
3Voir, par exemple, Max Gallo, La nuit des longs couteaux, Paris, Laffont, 1970, p. 14.