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9 mars 1995 ![]() |
Actualit�
DANS LA FOSSE AUX LIONS
Pr�sage de la bataille r�f�rendaire � venir? Le d�bat tr�s couru du 2 mars entre Guy Laforest et Jean-Pierre Derriennic a fait des �tincelles en toute civilit�.
�C'est un raisonnement de type cour de r�cr�ation. J'ai le droit de lui donner donner une baffe car il m'en a donn� une.� Jean- Pierre Derriennic n'appr�cie vraiment pas les arguments constitutionalistes de son coll�gue Guy Laforest, et ne se g�ne pas pour le proclamer haut et fort, � la barbe de l'int�ress�. Mais les deux professeurs du D�partement de science politique n'en sont pas moins hommes du monde et m�me un brin �cabotins�, comme tout enseignant qui se respecte. En particulier lorsque la discussion se d�roule devant un amphith��tre rempli, � craquer, de gens venus entendre les deux politicologues d�battre des destin�es d'un cocktail que Jean-Pierre Derriennic juge explosif: le nationalisme et la d�mocratie.
Jean-Pierre Derriennic, qui vient de publier un livre sur ce th�me aux �ditions Bor�al (Voir le Fil du 2 mars), refuse de consid�rer le rapatriement de la constitution de 1982 comme un scandale justifiant le d�part du Qu�bec de la conf�d�ration canadienne. Il compare d'ailleurs le raisonnement de son coll�gue Guy Laforest, dont la rh�torique souverainiste s'appuie en grande partie sur cet argument historique, � un raisonnement enfantin de type �oeil pour oeil, dent pour dent�.
Un peuple tromp�?
Au yeux de Guy Laforest, auteur de l'ouvrage De la prudence, publi� l'an dernier chez Bor�al, le rapatriement de la constitution sans l'accord du Qu�bec repr�sente une s�paration morale du Canada, qui d�montrait ainsi clairement la pr��minence d'un seul nationalisme dans le pays. Selon lui, en trompant le Qu�bec sur l'essentiel, le gouvernement f�d�ral autorise en quelque sorte les souveranistes � utiliser la r�gle de la majorit� pour quitter une communaut� qui les a tromp�s.
Guy Laforest le dit et le r�p�te, les raisons poussant les souverainistes � se s�parer du Canada en 1995 ont peu de choses � voir avec les arguments utilis�s lors du pr�c�dent r�f�rendum en 1980. Il y a quinze ans, les ind�pendantistes justifiaient leur d�cision en parlant des griefs historiques des francophones, du droit des peuples � l'autod�termination ou de leur volont� � devenir un peuple normal. Mais pour Guy Laforest, qui est aussi, ces temps-ci, chroniqueur au quotidien Le Devoir, cette rh�torique assez faible n'a plus cours aujourd'hui. L'argument massue des s�paratistes consiste en la d�nonciation du �Coup d'�tat l�gal de 1982�. Jean-Pierre Derriennic r�fute cet �chafaudage th�orique du revers de la main. Selon lui, m�me si le Qu�bec peut consid�rer cette r�vision constitutionnelle comme un scandale, le gouvernement provincial doit d'abord se pr�occuper du bien-�tre de ses citoyens, plut�t que de quitter avec fracas la f�d�ration.
De la prudence
Car Jean-Pierre Derriennic recommande, d'abord et avant tout, de faire preuve de prudence. Il craint ainsi un possible conflit interne au Qu�bec si une tr�s faible majorit� souverainiste remporte le r�f�rendum. D'autant plus, ajoute-t-il, que si le vote en faveur de la s�paration s'�tablit � 51 % ou 52% des �lecteurs, un renversement de tendance risque de se produire dans les trois mois suivant le scrutin, et le gouvernement provincial pourrait perdre son pouvoir de n�gociation. Guy Laforest tient lui aussi � ce que la transition vers l'ind�pendance respecte toutes les r�gles de la d�mocratie, en pr�servant notamment les droits des anglophones et ceux des autochtones. � ses yeux, le Qu�bec constitue une soci�t� hybride qui doit reconnaitre une composante anglaise participant � sa diversit�. Il d�plore d'ailleurs le fait que l'�tat-major du Parti Qu�b�cois �vite jusqu'� pr�sent de se prononcer sur les droits linguistiques et culturels de la communaut� anglophone. Car pour ce professeur de science politique la souverainet� s'entend comme �le renouvellement universel de la d�mocratie.�
PASCALE GU�RICOLAS
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