26 janvier 1995 |
RECHERCHE
Michel Pigeon: en chaire et en b�ton
Le titulaire de la nouvelle Chaire industrielle sur le b�ton construit depuis 20 ans sur du solide: la passion de d�couvrir et la formation d'�tudiants-chercheurs.
Lorsqu'il a commenc� � s'int�resser s�rieusement au b�ton en 1975, Michel Pigeon �tait un homme plut�t seul. Il y avait bien quelques-uns de ses coll�gues du D�partement de g�nie civil qui s'adonnaient � des calculs de structures sur des ouvrages de b�ton mais personne ne partageait sa curiosit� pour le gris mat�riau en tant que...mat�riau. �Le laboratoire humide �tait sec, il n'y avait pas d'�quipement, les locaux �taient d�serts, Il a fallu b�tir le laboratoire � partir de z�ro�, se souvient- il. Il faut dire qu'� l'�poque, le b�ton ne pesait pas lourd dans la balance du prestige scientifique. �Pourtant, explique Michel Pigeon, le b�ton est le mat�riau de construction le plus utilis� sur la plan�te. On dit que, chaque ann�e, on produit 1 m�tre cube de b�ton pour chaque habitant de la Terre. � mes yeux, �a justifie bien qu'on lui accorde un peu d'attention.�
Vingt ans plus tard, les choses ont bien chang� si on en juge par le nombre de chercheurs, d'�tudiants-chercheurs et d'entreprises qu'il a entra�n�s dans le sillage de son enthousiasme communicatif. Un enthousiasme qui r�siste mieux que le b�ton au passage des ans. �Vu de l'ext�rieur, le b�ton a l'air d'une bo�te grise innocente mais sa structure interne est d'une complexit� inou�e. Il ne se passe pas une journ�e sans que je n'apprenne quelque chose de nouveau sur le b�ton et c'est justement d'apprendre de nouvelles choses, de d�couvrir, qui me motive. �a n'a peut-�tre rien � voir avec le b�ton comme tel. Si j'�tais chercheur en histoire et que je d�couvrais des choses int�ressantes, je serais probablement tout aussi p�m�.�
Un r�seau solide
Aujourd'hui, Michel Pigeon n'est plus seul � s'int�resser au b�ton. Il dirige maintenant le Centre interuniversitaire de recherche sur le b�ton (CRIB), un groupe form� en 1989 et reconnu par le programme FCAR-Centre, dans lequel bourdonnent treize professeurs et une soixantaine d'�tudiants -chercheurs des Universit�s Laval et de Sherbrooke. De plus, avec trois de ses coll�gues du CRIB, il est au nombre des 11 chercheurs qui composent le R�seau de centres d'excellence canadiens sur les b�tons � haute performance. �Michel Pigeon est non seulement l'un des bons chercheurs de l'Universit� Laval, mais c'est �galement l'un des meilleurs chercheurs au Canada�, estime le vice-recteur Alain Vinet qui a surveill� son ascension alors qu'il pr�sidait la Commission de la recherche.
M�me si toutes ses activit�s de recherche le tenaient d�j� consid�rablement occup�, il en aurait fallu davantage pour emp�cher Michel Pigeon de r�ver. Et, le 19 janvier 1995, le projet qu'il caressait depuis plusieurs ann�es, cr�er une Chaire consacr�e exclusivement aux recherches sur la r�paration du b�ton, est devenu officiellement r�alit�. Juste retour des choses, il en est le premier titulaire. �Beaucoup d'ouvrages en b�ton ont �t� construits dans les ann�es 1950 et 1960 et aujourd'hui, le temps est venu de les r�parer. Le succ�s des r�parations en b�ton est variable, parfois �a fonctionne bien, mais parfois tout est � reprendre apr�s quelques ann�es seulement, sans qu'on sache pourquoi. La Chaire veut mettre un peu de science dans ces techniques pour am�liorer la durabilit� des r�parations. Si on r�ussissait � prolonger ne serait-ce que de quelques ann�es la durabilit� du b�ton, on �conomiserait des sommes �normes.�
Des partenaires industriels et institutionnels
Onze chercheurs et �tudiants-chercheurs travaillent au sein de la �Chaire sur le b�ton projet� et les r�parations en b�ton�. Ils re�oivent l'appui financier et technique de sept partenaires industriels, Ciments St- Laurent, Lafarge Canada, B�ton mobile du Qu�bec, Mat�riaux King, Sika Canada, Master Builders Technologies et Technisol, ainsi que de trois partenaires institutionnels, le minist�re des Transports du Qu�bec, la Ville de Qu�bec et l'Universit� Laval. Ces partenaires investissent 850 000$ dans la Chaire et le Conseil de recherche en sciences naturelles et en g�nie (CRSNG) y injecte 650 000$. �On attend beaucoup de cette Chaire, dit Alain Valli�res, sous-ministre adjoint aux Transports et ancien confr�re de classe de Michel Pigeon au D�partement de g�nie civil. Le Qu�bec investit 50 millions par ann�e pour la r�fection des structures de b�ton du r�seau routier et 120 millions pour la r�paration des routes. On esp�re que la Chaire apportera des solutions techniques inconnues jusqu'� maintenant qui vont nous permettre de r�duire ces co�ts.�
La Ville de Qu�bec esp�re elle aussi que la Chaire all�gera sa facture de r�paration des ouvrages en b�ton, en particulier les trottoirs. �Environ 100 des 515 kilom�tres de trottoirs de Qu�bec sont � refaire. Il faudrait injecter 4 millions de dollars par ann�e pendant 20 ans pour les r�parer et 3 millions par ann�e pendant 10 ans pour maintenir l'�tat du r�seau�, estime Claude Cantin, maire suppl�ant. Le premier projet pilote men� dans le cadre des activit�s de la Chaire a d'ailleurs d�but� l'automne dernier � Qu�bec alors que la surface d'un trottoir exp�rimental de 50 m�tres a �t� coul�e sur la rue St-Vallier. Ce trottoir pilote permettra de d�partager les meilleurs m�langes de b�ton et les techniques les plus efficaces pour les r�parations en couches minces.
�La Chaire aura justifi� son existence si, dans cinq ans, le b�ton projet� est davantage et mieux utilis� au Qu�bec, dit Michel Pigeon, et aussi si on parvient � d�montrer au minist�re des Transports qu'on peut avoir recours au b�ton pour effectuer des r�parations efficaces et durables sur le r�seau routier. Une chose est d�j� assur�e cependant: la Chaire contribue � former des jeunes qui vont devenir des experts dans le domaine et qui vont faire progresser la fa�on de fabriquer et d'utiliser du b�ton au Qu�bec. Je pense que c'est la retomb�e qui me donne la plus grande satisfaction�.
JEAN HAMANN
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