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26 janvier 1995 ![]() |
SOCI�T�
Les gens de la mer en arrachent
M�me s'ils ne sont pas arriv�s � Qu�bec en investisseurs, les �boat people� vietnamiens n'en poursuivaient pas moins le fameux �r�ve am�ricain�. Apr�s plusieurs ann�es, la dure r�alit� n'en finit pas de les rattraper.
Les r�fugi�s vietnamiens arriv�s � Qu�bec depuis 1976 ont �t� confront�s d�s leur arriv�e � la dure r�alit� de l'int�gration au march� du travail. En qu�te d'autonomie et de libert�, ceux qu'on a baptis�s les boat people essaient encore aujourd'hui tant bien que mal de surnager dans une ville gouvernementale, universitaire et touristique o� il existe peu d'ateliers et d'industries. En fait, nombreux sont ceux qui d�cident de mettre le cap sur des villes plus industrialis�es comme Montr�al ou Toronto. Avec le r�sultat que la communaut� vietnamienne de Qu�bec stagne depuis 1985, ayant peine � se maintenir � 800 membres, et ce, malgr� l'�tablissement d'environ 700 personnes auxquelles s'ajoutent quelques centaines de parrain�s par des groupes ou parents.
C'est ce qu'a soutenu Pierre Gaudette, professeur � la Facult� de th�ologie, au cours d'un atelier organis� r�cemment par le G�RAC (Groupe d'�tudes et de recherches sur l'Asie contemporaine) sur le th�me �Identit� et entrepreneurship des Indochinois de l'Asie du Sud-Est �. Faisant de l'accompagnement depuis une dizaine d'ann�es aupr�s de membres de la communaut� vietnamienne de Qu�bec, Pierre Gaudette a fait part des probl�mes auxquels sont confront�s ces immigrants lorsqu'ils veulent mettre sur pied leur propre entreprise.
Une course � obstacles
�Pour ceux qui d�cident de rester � Qu�bec, la seule solution est pratiquement de travailler dans la restauration. Mais sauf en de rares exceptions, les salaires sont bas et l'id�e de travailler sous les ordres continuels de quelqu'un d'autre r�pugne. Il faudra donc aller plus loin et ouvrir un restaurant. Du r�ve � la r�alit�, le pas est grand,et les r�glementations urbaines -comme l'obtention d'un permis de restauration ou de r�novation- plut�t pointilleuses! �
D'une part, s'interroge Pierre Gaudette, comment r�ussir � amasser le capital n�cessaire quand on est plongeur dans un restaurant? D'autre part, la personne qui re�oit des prestations d'aide sociale doit d�clarer tous ses revenus, son compte en banque �tant scrut� � la loupe par les agents du gouvernement: �Une fois le capital r�uni, la plupart du temps gr�ce � l'aide du r�seau famillial et � un style de vie tr�s modeste, elle s'imagine que tout devient simple et qu'il suffit de louer un local et d'installer son commerce, comme on pouvait le faire au Vietnam avant 1975, avant l'av�nement du communisme. �
Commence alors pour l'immigrant une v�ritable course � obstacles, o� la r�glementation urbaine appara�t davantage une barri�re � contourner qu'une loi � observer. Certains d�veloppent m�me une tr�s grande agressivit� contre les r�glements eux-m�mes et les gouvernements qui les ont instaur�s. �Il faut se garder d'interpr�ter les agissements de l'autre � travers notre mentalit�. En fait, ce que l'immigrant recherche avant tout, c'est la r�ussite �conomique et l'autonomie dans le travail. Pour lui, la loi n'a pas le caract�re absolu que la soci�t� d'accueil lui attribuerait; elle est une contrainte dont on doit tenir compte mais qu'il faut savoir utiliser. �
Selon Pierre Gaudette, il est tr�s important que la soci�t� d'accueil comprenne que cette attitude envers les r�glementations constitue une question de survie pour l'immigrant vietnamien. Sans aller jusqu'� favoriser une certaine forme de discrimination positive, le th�ologien croit que les dirigeants gouvernementaux devraient peut-�tre tendre une bou�e de sauvetage � ces gens, par exemple en posant �un regard neuf sur certaines lois�, notamment en r�am�nageant certains programmes sociaux.
Le r�ve am�ricain
Contrairement � d'autres immigrants indochinois, les Vietnamiens ne sont pas arriv�s au Canada comme investisseurs, apr�s une d�cision m�rie et avec du capital, a rappel� Lucille Guilbert, du D�partement d'histoire:
�La majorit� des immigrants vietnamiens install�s au Qu�bec depuis 1975 ont �t� s�lectionn�s et accept�s dans les camps de r�fugi�s de l'Asie du Sud-Est. Ils sont arriv�s au Qu�bec et au Canada sans bien ni capital; en fait, ni le Canada, ni le Qu�bec ne faisaient partie de leur projet d'immigration. � Et si la plupart d'entre eux r�vaient d'entrer aux �tats -Unis, les priorit�s �taient d'abord la fuite du Vi�t-Nam, la sortie du camp de r�fugi�s et la chance d'�tre accueillis par un pays o� ils pourraient se construire une vie meilleure.
�Dans les r�cits de vie racont�s par des Vietnamiens et des Vietnamiennes, la qu�te de la libert� et d'avenir se confond parfois avec le r�ve am�ricain de l'entreprise priv�e et prosp�re�, soutient Lucille Guilbert. Ainsi, la r�ussite sociale constitue une pr�occupation majeure pour l'immigrant et pour ses enfants. Et cette r�ussite sociale passe, entre autres, par les th�mes des �tudes, de l'emploi,du commerce, de l'entreprise �comme autant d'efforts pour s'int�grer et s'adapter au nouveau pays�.
REN�E LAROCHELLE
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