6 avril 1995 |
Une t�l� qui zappe mais ne mord pas
�Si la t�l� fut d'abord �incritiquable� parce qu'il n'y avait pas de v�ritable concurrence entre les cha�nes, elle est aujourd'hui �incritiquable� parce que son choix est trop grand�, soulignait l'�crivain Guy Cloutier, lors d'une conf�rence sur l'�criture t�l�visuelle donn�e � l'Universit� Laval le 22 mars dans le cadre de la Semaine du fran�ais. Loin de se d�finir comme un th�oricien de la t�l�vision, ce charg� de cours au D�partement des litt�ratures souhaitait partager la r�flexion d'un �crivain sur certains enjeux de l'�criture t�l�visuelle et sur les limites, les pr�tentions et le r�le culturel de la t�l�vision.
Dans ce choix foisonnant de canaux, Guy Cloutier d�plore le r�gne des incontournables cotes d'�coutes: �Le but des gens de la t�l�vision n'est plus de montrer ou de faire partager ce qu'ils ont vu du monde, mais de savoir combien ils �taient � regarder�. Selon lui, s'il y a absence d'une v�ritable critique, c'est � cause des conditions d'exercice de la production t�l�visuelle: �Il faut se rappeler que la t�l�vision, c'est des images priv�es vues en public. D'ailleurs, c'est le principal int�r�t de la t�l�vision.� Alors, argue Guy Cloutier, qui oserait critiquer une �mission en prenant le risque de se faire dire qu'il n'est pas oblig� de la regarder, ou qu'on lui indique qu'il ne fait pas partie du public cible?
Si la r�flexion sur les enjeux de la t�l�vision se trouve au coeur de toute �criture t�l�visuelle, c'est qu'elle est aussi une �criture, estime l'�crivain. En g�n�ral, de la r�flexion au produit final, il y a un processus de d�veloppement � respecter:
�Or comme toute �criture, l'�criture t�l�visuelle ne trouve son accomplissement qu'en parvenant � recr�er une unit� organique, de forme et de contenu, entre l'histoire, l'angle du regard, le ton, la strat�gie narrative, voire d'autres �l�ments contradictoires pour obtenir le produit final�. Guy Cloutier reproche � la t�l�vision son image statique. Le conf�rencier croit que �ce que nous appelons culture populaire a tendance � exclure tout ce qui n'est pas assez impersonnel, assez anonyme, pour pouvoir rejoindre le plus vaste public et, de ce fait, ce qui constitue v�ritablement une oeuvre, soit ce caract�re radicalement unique�. �Aujourd'hui, constate Guy Cloutier, l'important n'est pas de savoir si une oeuvre est compliqu�e, mais de s'assurer de la rendre accessible pour le grand public. Et pour rejoindre le grand public, il suffit d'employer des images fortes puis�es dans la sensibilit� collective et dans les mythes de notre soci�t�. Il ne faut pas oublier que l'auteur d'une �mission dispose de deux minutes pour s�duire le spectateur, avant qu'il ne �zappe�.
JOHANNE FILION
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