6 avril 1995 |
Semaine des sciences foresti�res
La for�t priv�e entre l'arbre et l'�corce
La for�t priv�e a le vent dans les feuilles. La for�t priv�e est en crise. � chacun son discours. Mais qui dit vrai?
En d�pit du fait que les march�s du bois de sciage soient meilleurs que jamais, des voix s'�l�vent et scandent � l'unisson que la for�t priv�e est en crise ou s'en approche dangereusement. Mais l'harmonie se rompt lorsque ces voix se font entendre sur la fa�on de d�nouer cette crise. Au point o� un Sommet sur la for�t priv�e sera tenu en mai pour accorder les fl�tes.
Les lots bois�s sont des propri�t�s priv�es mais la for�t est une richesse collective. Comment convaincre les propri�taires de ne pas surexploiter leurs lots et d'investir dans des travaux sylvicoles afin que toute la soci�t� en retire le maximum de b�n�fices? Les �tudiants en foresterie de la Facult� de foresterie et de g�omatique ont eu l'heureuse id�e de pr�senter, dans le cadre de la Semaine des sciences foresti�res, un d�bat sur l'avenir de la for�t priv�e en prologue � Sommet de mai. Pas un d�bat guind� d'universitaires donnant dans le salmigondis et le nonobstant mais un d�bat d'inspiration tr�s t�l�visuelle.
Quatre experts - un �conomiste, un am�nagiste forestier, un syndicaliste et un industriel- aux vues divergentes, cuisin�s par un professeur-animateur, Luc Bouthillier, transform� en Claire Lamarche d'un soir, parcourant, microphone � la main, la salle o� s'entassaient plus de 200 personnes, en qu�te d'une question choc ou d'une r�plique cinglante. Le r�sultat: un production hybride de deux heures trente minutes se situant quelque part entre Droit de parole et la Fosse aux lions.
� chacun sa crise
Pour plusieurs, la crise qui secoue la for�t priv�e en est une de nature syndicale. Le tiers des 15 syndicats ou offices qui regroupent les propri�taires de lots bois�s se sont d�saffili�s de la F�d�ration des producteurs de bois du Qu�bec (FPBQ). Le transfert de la production du bois � p�te vers le bois de sciage a r�duit la part du march� contr�l� par les plans conjoints. Dans plusieurs r�gions, les acheteurs de bois n�gocient directement avec les producteurs; les prix sont bons pour l'instant mais le march� est d�sorganis�. Ces faits ont amen� la FPBQ � commander � Michel Morisset, directeur du Groupe de recherche en �conomie et politique agricoles de l'Universit�, une �tude sur la structure syndicale et la mise en march� des bois de la for�t priv�e. �Les plans conjoints ont fait leur preuve dans le pass� pour le bois de p�te et ils pourraient encore �tre tr�s utiles dans le contexte actuel comme outil de gestion pour les producteurs, a r�affirm� l'auteur de l'�tude. �a �viterait la surexploitation de la ressource.�
La crise actuelle est de nature syndicale, croit pour sa part Pierre Courtemanche, directeur g�n�ral du Regroupement des soci�t�s d'am�nagement forestier du Qu�bec. �Mais, si rien n'est fait d'ici peu pour prot�ger la ressource contre ceux qui en abusent, on pourrait avoir une v�ritable crise sur les bras�. Il semble, en effet, que certains propri�taires, peu pr�occup�s par l'avenir de la ressource, profitent du prix �lev� du bois pour surexploiter leur lot.
L'Association des manufacturiers du bois de sciage du Qu�bec refuse de porter l'odieux de la situation. �Ce sont les producteurs qui g�rent l'offre. On ne peut pas nous reprocher de faire des demandes d'approvisionnement en bois, dit Gaston D�ry, pr�sident-directeur g�n�ral de l'organisme. On est pr�t � faire de la business avec des gens qui veulent faire de la business et � investir davantage en am�nagement. Par contre, si on investit, on veut avoir un certain contr�le sur les d�cisions qui touchent la gestion des bois�s.�
Alors que certains producteurs profitent de la manne actuelle pour �cumer leur lot, on esp�re accro�tre les efforts d'am�nagement en for�t priv�e.
Comme l'a soulign� un des producteurs pr�sents, l'�ge moyen des propri�taires est de 52 ans et plusieurs h�sitent � investir des milliers de dollars dans l'am�nagement de leur lot alors qu'ils savent tr�s bien que jamais de leur vivant ils ne profiteront de ces investissements. Le retrait prochain de l'�tat du financement des travaux d'am�nagement accentue davantage la r�ticence des producteurs � investir � long terme.
Victor Brunette, directeur g�n�ral de la FPBQ, et son pr�sident, Marius Blais, constatent tous deux que le profil du propri�taire de bois� a chang�. De plus en plus de cols blancs exploitent des lots forestiers comme revenu d'appoint. Seulement 40 000 des 120 000 propri�taires ont le statut de producteur forestier et beaucoup ne l'auraient demand� que pour les avantages fiscaux qu'il procure. �C'est pas avec des gens comme �a, int�ress�s � sp�culer, qu'on assure l'avenir de la for�t�, affirme Marius Blais.
Il faut �duquer les propri�taires � l'importance de bien exploiter et de bien am�nager leur bois�, disent les uns. Trop long, r�pondent les autres. Vite, r�glementons pour contraindre la production. �Il ne faut pas oublier, dit Marius Pineau, professeur � la Facult� de foresterie et de g�omatique et propri�taire de bois�, que le propri�taire a tous les droits sur son lot. Si la soci�t� exige quelque chose d'eux, elle doit donner en retour. Je pense qu'on n'insiste pas assez aupr�s des propri�taires sur l'importance sociale de leur propri�t�, que chaque dollar investi en am�nagement et que chaque m�tre cube r�colt� contribuent � cr�er de l'emploi et de la richesse dans leur r�gion.� Suite dans quelques semaines au Sommet sur la for�t priv�e.
Ce d�bat, qui avait lieu le 29 mars, cl�turait la Journ�e- Colloque Kruger, l'un des deux temps forts de la Semaine des sciences foresti�res 1995. Quelques jours plus t�t, le Salon forestier, pr�sent� � l'initiative des �tudiants aux Galeries de la Capitale, avait attir� plus de 18 000 visiteurs. JEAN HAMANN
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