27 avril 1995 |
�THIQUE
Des cris dans la nuit
Au terme de longs d�bats, l'�quipe de la Maison Michel-Sarrazin a redit �non� � l'euthanasie. Notamment parce que la relation de confiance entre le patient et les soignants doit durer jusqu'au bout.
�Je suis fatigu� de souffrir.� �Je veux mourir.� �Ma vie n'a plus de sens, je veux partir. Docteur, finissez-moi.� Ces appels de d�tresse, les �quipes soignantes de la Maison Michel-Sarrazin les ont entendus � maintes reprises depuis qu'elles ont accueilli leur premier malade le 9 avril 1985. Fid�le � la philosophie des fondateurs de ce centre de soins palliatifs pour malades en phase terminale, le personnel soignant a d� donner � chacun de ces patients d�sesp�r�s la m�me r�ponse: �Le recours � l'euthanasie est exclu � la Maison Michel-Sarrazin.�
�Mais la soci�t� a chang� depuis dix ans, reconna�t Claude Lamontagne, professeur au D�partement de m�decine familiale et m�decin � Michel-Sarrazin depuis les tout d�buts. L'euthanasie est de plus en plus pr�sente dans les m�dias d'information, par le biais de cas comme ceux de Nancy B. et Sue Rodriguez, et un comit� s�natorial �tudie pr�sentement l'adoption d'une loi sur l'euthanasie. Cette question est maintenant fr�quemment abord�e par nos patients ce qui nous a amen�s � demander au Comit� d'�thique de la Maison Michel-Sarrazin de r�fl�chir � nouveau � la question�, a-t-il expliqu� lors de la 7e Journ�e Michel- Sarrazin, tenue le 21 avril sur le campus.
Ce comit� d'�thique, compos� notamment de �dith Deleury de la Facult� de droit, Marie-H�l�ne Parizeau de la Facult� de philosophie et Louis Dionne, Pierre Allard et Claude Lamontagne de la Facult� de m�decine, a r�affirm�, au terme de longues heures de discussion, son �non� � l'euthanasie. �D'une part, l'euthanasie est toujours consid�r�e comme un acte criminel par la loi canadienne et d'autre part, l'approche des soins palliatifs pr�conis�e � Michel-Sarrazin en est une d'accompagnement psychologique, moral et spirituel et de soulagement de la souffrance, ont rappel� �dith Deleury et Claude Lamontagne. Il y a un contrat clair entre la Maison Michel-Sarrazin et le patient qui choisit d'y venir. L'euthanasie, m�me si elle n'�tait pratiqu�e que dans des cas exceptionnels, aurait des cons�quences n�gatives �videntes pour la majorit� des patients et leurs proches. On ne peut pas tenter de donner un sens aux derniers moments de la vie d'un patient et euthanasier le patient de la chambre d'� c�t� sans que la relation de confiance n'en soit affect�e. Les gens vont se demander de quel c�t� nous sommes r�ellement.�
Le cri de l'intol�rable
Il peut se pr�senter des circonstances exceptionnelles de souffrance o� un patient et son m�decin en arrivent � la conclusion que l'euthanasie est une solution �thiquement acceptable ou tol�rable�, dit Claude Lamontagne. Mais le personnel des �quipes soignantes doit se rallier � la position institutionnelle. �M�me si je ne suis pas favorable au recours � l'euthanasie, poursuit-il, je trouve toujours douloureux de dire non � un patient, de lui refuser une solution de soulagement de la souffrance conforme � ses valeurs. C'est comme ne pas respecter son choix, sa solution � lui.�
Que faire alors quand les patients souhaitent mourir? �D'abord, il faut �couter le patient et tenter de comprendre ce qu'il veut vraiment nous dire, dit Claude Lamontagne. Ce genre de demande, c'est souvent le cri de l'intol�rable.� Ces demandes surviennent surtout lorsque les douleurs physiques sont incontr�lables, que l'agonie se prolonge et qu'elle provoque une souffrance morale intol�rable.
Dans ces circonstances, si le patient formule clairement une demande d'euthanasie, et ce � plusieurs reprises, et si tous les moyens de contr�le de la douleur ont �chou�, le Comit� juge acceptable le recours � la s�dation (faire dormir) pendant quelques heures. Lorsque le patient se r�veille, si la douleur est toujours insupportable et que le patient le redemande, l'�quipe soignante le fera � nouveau dormir, et ainsi de suite. Certains peuvent y voir un geste pr�-euthanasie, dit �dith Deleury puisqu'on supprime la souffrance par l'inconscience. La technique est facilement accessible et elle peut entra�ner une d�rive dans le choix des valeurs. C'est pourquoi il �tait important que la Maison Michel-Sarrazin r�affirme clairement sa position sur l'euthanasie.
JEAN HAMANN
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