
La tradition chrétienne pourrait avoir joué un rôle dans l'utilisation du X en fin de message, rappelle Joëlle Breton.
— Université Laval, Yan Doublet
Quand nous écrivons à un être cher, nous signons parfois d'un X pour montrer notre affection. Cette pratique est beaucoup plus vieille qu'on pourrait le croire. Joëlle Breton, professionnelle de recherche pour le Trésor de la langue française au Québec, associé à la Faculté des lettres et des sciences humaines, répond à la question d'Isabelle sur l'origine des bisous à l'écrit.
«Les linguistes ne s'entendent pas quant à la réponse à cette excellente question! Une chose est sûre, on doit rejeter les hypothèses farfelues qui rapprochent la forme du x et l'union de deux paires de lèvres, ou encore le son x et le mot anglais kiss.
Il faut savoir qu'historiquement, il n'y a pas si longtemps que le baiser est perçu comme un geste romantique, affectueux. Il a d'abord été une forme de salutation platonique, un signe de communion religieuse – pensons au baiser de la cérémonie du mariage, marquant l'union spirituelle des époux –, ou encore un moyen de sceller un contrat. Au Moyen Âge, les analphabètes traçaient un X à titre de signature, puis l'embrassaient pour légaliser l'entente. L'origine du X «bisou» pourrait découler en partie d'une analogie entre ce geste et le X.
La tradition chrétienne semble aussi avoir joué un rôle dans cette histoire. Outre sa ressemblance avec la croix, la lettre grecque khi (X), origine de notre X latin, est l'initiale du nom du Christ, Χριστός [christos] – d'où l'abréviation anglaise X-mas pour Christmas. Les sources anciennes laissent penser que le X à la fin d'une lettre symbolisait la croix ou le nom du Christ et a d'abord eu le sens de «bénédiction».
À partir de la Renaissance, la popularisation de l'idée de l'amour romantique a donné naissance au concept de baiser amoureux. Le sens religieux du X en fin de missive aurait progressivement glissé vers celui, séculier, de baiser affectueux. Les symboles étant abstraits, leur sens évolue facilement selon la conscience collective: c'est probablement ce qui s'est passé ici!»
Propos recueillis par Audrey-Maude Vézina

La cabine vidéo de La science, pas si compliquée! (à gauche) et Isabelle, qui a posé la question sur l’origine des X pour les bisous (à droite).