Factures givrées
À produit identique, on paie toujours plus cher au Nunavik qu’ailleurs au Québec
Se nourrir à un coût raisonnable n’est pas une mince affaire au Nunavik. En effet, le prix des aliments y est en moyenne de 57 % plus élevé qu’à Québec. C’est ce que révèle une étude menée par Nick Bernard - sous la direction du professeur Gérard Duhaime - de la Chaire de recherche du Canada sur la condition autochtone comparée, affiliée au Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIERA) de la Faculté des sciences sociales. Effectuée en mars pour le compte de l’Administration Régionale Kativik, la recherche a notamment porté sur le prix de 199 produits alimentaires, 24 produits reliés à l’entretien ménager et 16 produits consacrés aux soins d’hygiène. À Québec, la collecte des données a été réalisée dans quatre épiceries regroupées sous trois bannières différentes.
Parmi les produits qui coûtaient à toutes fins pratique deux fois plus chers au Nord qu’au Sud figurent les pommes de terre, la farine blanche et le lait. «Si on considère que les habitants du Nunavik consacrent environ 40 de leur budget à la nourriture, c’est assez préoccupant», souligne Nick Bernard. L’achat de couches pour bébés fait également grimper la facture d’épicerie des ménages, d’autant plus qu’on en utilise beaucoup dans cette région où le taux de natalité est deux fois plus élevé que dans le reste du Québec. En d’autres termes, il en coûte non seulement plus cher d’emmailloter les bébés au Nunavik, mais les ménages doivent aussi en acheter en plus grande quantité, s’ils veulent combler les besoins des nourrissons.
Gagner moins et payer plus cher
Dans le cadre de cette recherche, Nick Bernard a également comparé le prix des motoneiges, moyen de transport par excellence obligé des habitants du Nunavik, que ce soit pour se déplacer dans leurs villages ou encore pour aller chasser ou pêcher. Là encore, les Inuit paient la facture, en raison de l’usage intensif qu’ils font de la motoneige. Certes, ils n’ont pas le choix. «Ce véhicule fait pratiquement partie de la vie quotidienne des gens, indique Nick Bernard. Les coûts d’entretien et de réparation sont plus élevés, et le taux de remplacement plus fréquent, sans compter le prix de l’essence. Comme tout doit être transporté par avion, à commencer par la motoneige neuve qui débarque jusqu’aux pièces à remplacer, les montants s’additionnent vite .»
Globalement, la seule catégorie où les Inuit dépensent moins concerne le logement; en effet il en coûte de 30 % à 50 % moins cher pour se loger au Nord comparativement au Sud. À ceux qui pensent que ceci compense pour cela, Nick Bernard rappelle qu’en 2001, le revenu médian des familles était de 39 000$ au Nunavik et de 50 000$ ailleurs au Québec. «Ils gagnent moins et paient plus cher, les familles sont plus nombreuses et c’est ce qu’on doit retenir, souligne le chercheur. Cependant, notre étude a ses limites car elle ne mesure pas le coût de la vie mais bien des mesures de prix. Et à produit identique, on paie toujours davantage au Nunavik.»
Pour alléger la facture des résidants du Nunavik, l’une des solutions consisterait bien évidemment à mettre la pédale douce sur les coûts reliés au transport, notamment par l’instauration de certaines mesures fiscales. On pourrait également favoriser davantage le transport maritime et approvisionner la population par bateau de façon plus régulière. «Actuellement, note Nick Bernard, seulement deux bateaux se rendent annuellement dans ce but au Nunavik. Il y aurait sans doute moyen de poursuivre les discussions en vue d’augmenter ce nombre; le portefeuille des résidants ne s’en porterait que mieux.»
|
|