Aérospatial
On veut remarcher sur la Lune
Les ressources énergétiques de notre satellite suscitent la convoitise
On croyait que la conquête de la Lune était chose entendue depuis que l’équipage d’Apollo 11 avait posé la botte sur le sol lunaire en 1969. On croyait que les conquérants de l’espace avaient maintenant des visées sur des astres situés bien au-delà du satellite qui luit dans la cour arrière de la Terre. On croyait que notre blanche voisine avait livré tous ses secrets et qu’il n’y avait plus rien à en tirer. On se trompait. «Les Américains se sont redécouvert une passion pour la Lune depuis que les Chinois ont annoncé qu’ils avaient l’intention d’y envoyer des hommes d’ici quelques années», a déclaré l’astrophysicien Yvan Dutil devant les participants au 5e Forum des étudiants en aérospatiale qui avait lieu le 29 septembre sur le campus.
Comme aux plus belles années où Américains et Soviétiques se disputaient l’honneur d’être les premiers humains sur la Lune, les responsables de la NASA n’ont pas mis de temps à réagir au plan chinois qui prévoit l’alunissage d’un robot en 2010, suivi du débarquement d’astronautes en 2017. L’agence américaine entend maintenant consacrer une part considérable de ses ressources à la reconquête de la veilleuse de la Terre. La date cible, d’abord fixée entre 2015 et 2020, aurait été ramenée à 2013. Cette fois, cette course ne vise pas à établir la supériorité d’une idéologie politique sur une autre, mais plutôt à tirer profit des ressources géologiques de la Lune. «Les Chinois veulent exploiter l’hélium-3 qui se trouve dans le premier mètre du sol lunaire, a expliqué Yvan Dutil. Cet élément, beaucoup plus abondant sur la Lune que sur la Terre, pourrait servir de combustible dans des réacteurs à fusion nucléaire. Ces réacteurs n’existent pas encore, mais la Chine se prépare à répondre à ses énormes besoins énergétiques futurs.»
Et la science ?
La science ne semble pas être un facteur important pour justifier le retour sur la Lune, a constaté le conférencier. Pourtant, notre satellite offre des conditions très intéressantes pour y mener des recherches en astrophysique. Sur Terre, les chercheurs doivent maintenant composer avec l’interférence atmosphérique, les ondes radio et la pollution lumineuse, trois contraintes inexistantes en milieu lunaire. «Un des rares projets scientifiques faisables présentement à l’étude par la NASA est la construction d’un télescope à miroir liquide à la surface de la Lune.»
L’un des instigateurs de ce projet, le professeur Ermanno Borra du Département de physique, de génie physique et d'optique, prenait lui aussi part au Forum étudiant. En 2004, ce chercheur et quatre de ses collègues ont proposé à la NASA de construire un télescope à miroir liquide au pôle Sud de la Lune. L’idée a plu à la NASA qui finance le projet depuis. Les télescopes à miroir liquide ont ceci de particulier que leur miroir primaire, celui qui capte et concentre la lumière venue du ciel, n'est pas fait de verre poli, mais bien d'un liquide réfléchissant. Placé dans une cuvette à laquelle un moteur imprime un mouvement circulaire constant, le liquide s'étale en une mince pellicule parfaitement lisse, qui épouse la forme d'une parabole et qui peut ainsi faire office de miroir de télescope. «On travaille présentement sur un miroir de 6,5 m de diamètre, mais on pourrait construire des miroirs de 20 m ou plus», assure-t-il. Beaucoup moins coûteux que les miroirs conventionnels, les miroirs liquides présentent aussi l’immense avantage de pouvoir être plus facilement transportés jusqu’à la Lune.
Le professeur Borra croit qu’un observatoire lunaire doté d'un tel miroir pourrait livrer des informations inédites sur l'origine de l'univers.
«Comme nous serons libérés des perturbations de l’atmosphère terrestre, les observations qu’on pourrait faire à partir de la Lune équivaudrait à ouvrir une nouvelle fenêtre sur le ciel», affirme-t-il. Pour qu’un observatoire lunaire puisse livrer des images exceptionnelles du fin fond de l’univers, il faudra toutefois qu’il y ait très peu de poussières dans l’atmosphère lunaire, prévient-il. «Pour l’instant, on ne sait pas si c’est le cas», précise le chercheur. Il sera fixé assez rapidement sur la question si jamais les Américains et les Chinois se mettent à remuer sens dessus dessous le sol lunaire à la recherche d’hélium-3.
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