Société
Dommages collatéraux
Les jeunes Québécois auraient une vision plutôt défaitiste de leur histoire depuis la Conquête
Quand on leur demande de tracer les grandes lignes de l’histoire du peuple québécois, les jeunes cégépiens dressent un portrait plutôt sombre des 4 siècles pendant lesquels leurs ancêtres se sont battus pour la sauvegarde de la culture et de la langue française. S’ils se «souviennent» d’à peu près tout, ils restent cependant marqués par des épisodes où la défaite aux mains des Anglais a souligné à grands traits l’incapacité des Canadiens français à se prendre en main et à former un pays, en plus de confirmer en quelque sorte leur statut d’éternels perdants.
C’est ce qui ressort entre autres du mémoire de maîtrise de Francine Audet ayant pour thème: Mémoire du Québec, conscience historique et conscience politique chez les jeunes Québécois de niveau collégial. Pour les fins de cette étude supervisée par le professeur Jocelyn Létourneau du Département d’histoire, Francine Audet, elle-même professeure d’histoire au Cégep de Lévis-Lauzon, a demandé à 277 jeunes provenant de cinq institutions collégiales du Québec de disserter sur le passé en insistant sur les éléments qu’ils jugeaient importants. Trente des répondants provenaient d’un cégep anglophone. L’enquête s’est déroulée en 2004.
Un peuple assimilé et sans culture
Première constatation: la Conquête de 1759 constitue l’événement le plus fréquemment cité, 80 % des jeunes mentionnant ce fait dans leurs écrits. «Nous sommes un peuple qui a été abandonné par son pays d’origine, la France», écrit un étudiant. «Le Québec devient une colonie française abandonnée par la mère-patrie. Les Britanniques profiteront de ce désintéressement pour conquérir Québec», explique un autre. «Le Québec est conquis par les Anglais et devient très pauvre, les Anglais contrôlent tout, c’est l’assimilation» constate encore un autre élève.
Pour le reste, tout y est - ou presque - dans la mémoire des jeunes qui respectent fidèlement la chronologie des événements: arrivée de Jacques Cartier en 1534, fondation de Québec en 1608, Rébellions de 1837-1838, crise économique de 1929, montée de la Révolution tranquille et tenue des deux référendums sur la souveraineté du Québec en 1980 et 1995. Si les jeunes francophones terminent leur récit sur ces derniers événements, la majorité des jeunes de la communauté linguistique anglophone n’en font cependant pas mention.
Associé au temps des «fondations», le Français symbolise l’odieux de l’acculturation des nations amérindiennes, note Francine Audet. Si l’Anglais incarne le conquérant par excellence, l’Américain, lui, est très peu présent dans les récits, et n’intervient que dans le cadre des arrangements entre le Haut et le Bas-Canada. Les textes étant fortement teintés de nationalisme, on y retrouve souvent pointé du doigt un personnage comme Lord Durham, bien connu pour ses déclarations marquantes sur les Canadiens français, «ce peuple sans histoire et sans culture». L’ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, polarise à lui seul la condition de sous-développement et de fermeture de la société québécoise, et ce, tant chez les répondants francophones qu’anglophones. Si René Lévesque est considéré comme le principal artisan de la Révolution tranquille, il semble que Pierre Elliott Trudeau est davantage présent dans la mémoire des anglophones pour avoir promulgué la Loi des mesures de guerre, lors de la crise d’octobre en 1970.
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