
Secrets de famille
Les résultats des tests de susceptibilité génétique au cancer ne sont pas transmis également à tous les membres de la famille
L’une des particularités de la médecine génétique est que la découverte de mutations qui augmentent le risque de maladie a des implications non seulement pour la personne qui passe le test de dépistage, mais aussi pour tous les membres de sa famille. Encore faut-il que ceux-ci soient informés du résultat, ce qui n’est pas toujours le cas, rapporte une équipe de chercheurs dans le Journal of Clinical Oncology.
Michel Dorval, professeur à la Faculté de pharmacie et membre de l’Unité de recherche en santé des populations, et cinq chercheurs de la Harvard Medical School, viennent en effet de démontrer que les résultats de tests dépistant des mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2 – qui augmentent par au moins dix fois les risques de cancer de l’ovaire et par cinq à huit fois les risques de cancer du sein - ne sont pas communiqués également à tous les membres de la famille immédiate.
Quatre mois après avoir reçu le résultat de leur test, une proportion significative des 273 femmes interrogées par les chercheurs n’avaient toujours pas partagé leur secret avec des proches dont elles partagent la moitié du bagage génétique. Les hommes semblent particulièrement laissés en reste puisque 29 % des frères, 23 % des pères et 11 % des fils n’avaient pas été informés des résultats. «Pourtant, certaines mutations dans BRCA1/2 sont associées à une augmentation de certains cancers chez l’homme et, en plus, il y a des implications directes pour les filles des hommes qui sont porteurs de ces mutations», soulignent les chercheurs.
Le sexe des proches ne constitue toutefois qu’un des éléments qui influencent le flux de l’information dans la famille. Le fait que 14 % des soeurs ne soient pas dans le secret le démontre clairement. Que le résultat du test soit positif ou négatif n’a pas d’incidence sur le partage des résultats, notent les chercheurs. Par contre, les résultats non conclusifs sont moins souvent communiqués au reste de la famille. Par ailleurs, 20 % des répondantes de plus de 40 ans n’avaient pas transmis le résultat de leur test à leurs parents, peut-être pour les ménager parce qu’ils sont vieillissants, peut-être parce qu’il serait trop compliqué de leur en faire saisir la signification, suggèrent les chercheurs.
Divulguer ou non le résultat d’un test génétique à ses proches peut initier ou stopper une cascade de tests sur plusieurs générations avec des gains ou des pertes d’années de vie. «Les personnes qui se savent à risques peuvent faire l’objet d’un dépistage plus précoce et plus fréquent et, dans certains cas, elles peuvent avoir recours à la chémoprévention ou à la chirurgie préventive», précise Michel Dorval.
Une chose semble claire: la divulgation des résultats des tests génétiques pour BRCA1/2 fait l’objet d’un certain secret et les gens qui font du conseil génétique doivent en être conscients. «La divulgation d’un résultat positif à un test génétique soulève des questions éthiques et légales, souligne le professeur Dorval. On ne peut obliger les personnes à dévoiler ce résultat aux membres de leur famille, mais on peut les encourager à réfléchir aux conséquences de le faire ou non.»

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