![]() Combustions spontanéesL’oxygénothérapie à domicile soulève un débat dans le monde médical par Jean HamannUn médecin doit-il mettre un terme au seul traitement capable d’améliorer l’espérance de vie d’un patient sachant que le tabagisme de ce dernier met en danger sa sécurité et celle de ses proches? Voilà la délicate question que posent Yves Lacasse, Jacques La Forge et François Maltais, du Centre de recherche de l’Hôpital Laval, dans un article éditorial qu’ils signent dans une récente édition de la revue scientifique Thorax. «Ceux qui disent qu’il n’y a aucun fumeur parmi leurs patients qui utilisent l’oxygénothérapie à domicile connaissent mal leurs patients.» Pour tirer profit du traitement, les patients doivent se brancher sur un concentrateur d’oxygène au moins 18 heures par jour. Contrairement à la croyance, l’oxygène n’est pas un gaz explosif. Par contre, c’est un bon comburant, c’est-à-dire qu’il favorise la combustion et, du coup, il pose de sérieux risques d’incendie lorsqu’on le met en présence d’une flamme vive. «Quand le feu prend dans le tube en plastique du concentrateur d’oxygène, ça va très vite et les conséquences peuvent être graves pour des patients déjà aux prises avec des problèmes de santé», résume le professeur de la Faculté de médecine. Si des fumeurs sont sous oxygénothérapie à domicile, c’est que leur médecin leur a prescrit ce traitement, poursuit-il. Mais une fois le patient avisé des risques, les médecins peuvent-ils détourner le regard? «Sur le plan légal, la responsabilité de ce traitement est partagée entre le médecin et le patient, résume Yves Lacasse. Le médecin doit s’assurer que son patient ne fume pas s’il reçoit ce traitement. Ceux qui disent qu’il n’y a aucun fumeur parmi leurs patients qui utilisent l’oxygénothérapie à domicile connaissent mal leurs patients.» Un médecin peut-il aller jusqu’à refuser ou retirer ce traitement à une personne qui fume? «Il ne faut pas que cette décision soit vue comme discriminatoire à l’endroit des fumeurs parce qu’elle irait à l’encontre de la charte des droits. Par contre, lorsqu’un traitement est trop risqué ou inutile, un médecin peut y mettre un terme. Ce genre de décision tombe dans une zone grise où chaque médecin doit exercer son jugement. Personnellement, je ne prescris pas d’oxygénothérapie à domicile à un patient qui fume ou s’il y a de bonnes raisons de croire qu’il ne respectera pas les consignes d’utilisation. Je cesserais de lui prescrire ce traitement si des membres de sa famille me disaient qu’il a recommencé à fumer. Non seulement y a-t-il de sérieux risques d’incendie, mais des études indiquent que le tabagisme annule les bienfaits de l’oxygénothérapie.»
|