Le goût de la vie
L’éducation est en marche et rien ne l’arrêtera, pas même une crise, estime Thomas De Koninck
Si Thomas De Koninck se lançait en politique demain matin, il accorderait la priorité absolue à l’éducation, et ce, pour une raison évidente à ses yeux: le progrès de la société dépend de l’éducation prodiguée aux individus. Selon ce professeur à la Faculté de phiosophie, promouvoir l’éducation équivaut à avoir des personnes plus compétentes sur le marché du travail, qu’elles soient médecins, professeurs ou techniciens. Et s’il est vrai de dire que le monde de l’éducation traverse actuellement une crise, il faut en même temps garder à l’esprit qu’une crise n’est pas forcément mauvaise en soi car elle peut déboucher sur quelque chose de meilleur.
«Le mot crise vient du grec, krisis, qui signifie décision, souligne Thomas De Koninck. Par exemple, une crise cardiaque qui survient chez une personne indique que quelque chose ne va pas. Cette crise représente l’occasion de prendre une décision, comme d’inciter la personne à faire davantage attention à sa santé. Dans cette optique, une crise peut sauver une vie.» Invité à prononcer une conférence sur la crise de l’éducation le 21 septembre au Musée de la civilisation, Thomas De Koninck ne donne pas vraiment d’exemples précis de ce qui ne tourne pas rond dans le monde de l’éducation. On le sent en revanche soucieux de ne pas analyser le débat sous l’angle de la nostalgie. Oui, les jeunes sont matraqués quotidiennement par des images violentes, qu’elles proviennent d’Internet ou des médias, tellement présentes qu’elles en deviennent banales. Non, la fin du monde n’est pas pour demain et il est entendu qu’on peut tirer un grand profit d’Internet, des médias et des nouvelles technologies. Mais dans quelle sorte de société voulons-nous vivre? «L’être humain est mimétique, dit Thomas De Koninck. Tout est dans le choix, non pas des moyens mais des finalités. La liberté, c’est d’abord et avant tout s’appartenir, c’est se choisir soi-même.»
«Tout passe par le langage. Une personne aura beau exercer adéquatement son métier ou sa profession, si elle est incapable de s’exprimer correctement, c’est dramatique.»
Allumer l’étincelle
Au début de la vie, l’enfant est une ébauche. Au fil des ans, il devra apprendre à développer et à contrôler son affectivité. Il aura envie de beau et d’idéal, ses premiers pas résonneront clairement dans la forêt des savoirs, il voudra tout connaître, d’un seul coup. L’école lui ouvrira ses portes, prometteuse d’avenir. Le défi de l’enseignant auprès de ce petit ayant tout à apprendre sera alors d’allumer l’étincelle, d’éveiller en lui sa passion de connaître. À cet égard, bannissons l’image du vase vide qu’on remplit de connaissances jusqu’à plus soif.
«Empêcher d’apprendre, c’est tuer la vie de l’esprit, croit Thomas De Koninck. On peut faire beaucoup de tort si on n’a pas le souci de bien faire son travail. La grande fonction de l’éducation consiste à donner à la personne une bonne formation de base et à la sensibiliser à l’importance de la langue, outil de communication par excellence. Car tout passe par le langage. Ainsi, une personne aura beau exercer adéquatement son métier ou sa profession, si elle est incapable de s’exprimer correctement, c’est dramatique.»
Un livre à soi
Mais il n’y a pas que l’école dans la vie, il y a aussi la vie elle-même. C’est ici que l’intimité développée avec les gens et les choses durant l’enfance et l’adolescence prend tout son sens, selon Thomas De Koninck. Ce rapport intime peut s’établir de plusieurs manières: avec les parents, par le biais de conversations en quelque sorte marquées par la grâce dont on se souviendra longtemps, ou encore avec les livres, ces puits d’imaginaire sans fond où l’âme pourra toujours revenir s’abreuver. «Le romancier anglais Graham Greene a déjà écrit qu’un enfant qui lisait un livre en cachette, le soir dans sa chambre, était sauvé, relate Thomas De Koninck. En fin de compte, l’éducation est quelque chose d’atmosphérique. L’important est de développer un climat qui stimule le goût de vivre, d’apprendre et d’avancer.»
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