
La génération de l’équilibre
Rendus sur le marché de l’emploi, les jeunes travailleurs québécois souhaitent avant tout s’y épanouir
Étienne a grandi dans un milieu où ses parents, tous deux avocats, ont fait du travail le centre de leur vie. Enseignant au collégial depuis deux ans, Étienne s’est juré de ne pas reproduire le modèle familial, mettant la qualité de vie au premier rang de ses priorités. Avec un horaire chargé à souhait, Marie, elle, est sortie tellement épuisée de ses trois années de baccalauréat en statistique qu’une fois arrivée sur le marché du travail, l’idée que sa vie puisse ressembler à ce qu’elle avait vécu à l’université lui faisait horreur. Elle a donc décidé de mettre la pédale douce afin de briser le rythme infernal auquel elle a été soumis durant ses études, et ainsi mener une vie plus équilibrée.
Selon Mélanie Anctil, les jeunes sont enclins à donner de la place à leur travail mais pas au point d’y vouer leur existence. Dans son mémoire de maîtrise effectué sous la direction de Daniel Mercure du Département de sociologie, elle a examiné la question du sens que les nouvelles générations accordent au travail. Pour les fins de son étude, la sociologue a interrogé 14 personnes – 5 hommes et 9 femmes – âgées de 22 à 33 ans, dont 12 détenaient un diplôme universitaire. Provenant de divers secteurs (arts, santé, communication, affaires, sciences sociales), la plupart des répondants faisaient pour la première fois l’expérience d’un emploi à temps plein en lien avec leur formation depuis l’obtention de leur diplôme.
Un potentiel caché
«L’idée de changement - entre ce qui était désiré par ces jeunes au cours de leur cheminement scolaire et ce à quoi ils aspirent pour l’avenir compte tenu de leur situation d’emploi – est au cœur de ma démarche», précise Mélanie Anctil, qui a observé certaines tendances chez les participants. «Lorsqu’ils sont aux études, le travail représente un moyen de gagner leur vie qui doit, dans la mesure du possible, leur plaire et rejoindre leurs intérêts, note la sociologue. Cependant, les préoccupations des jeunes changent sensiblement quand ils occupent un emploi. Ils ressentent un besoin d’épanouissement au travail, épanouissement qu’ils trouvent notamment dans la satisfaction et l’accomplissement que ce travail leur procure et dans la part de défi, de responsabilité et d’autonomie qu’il leur confrère.»
Autre changement observé: les jeunes travailleurs sont plus ambitieux en début de carrière que ne le laissait présager leur rapport au travail quand ils étaient encore sur les bancs d’école. En fait, tout se passe comme s’ils se rendaient compte de leur potentiel comme travailleurs, d’expliquer Mélanie Anctil. Si certains rêvent de devenir une référence dans leur domaine, d’autres aspirent plus modestement à gravir quelques échelons au cours de leur carrière ou veulent simplement voir leur niveau de responsabilités et les défis augmenter au cours des années. «Les jeunes formulent souvent de grands projets au début de leur vie active et sont prêts à mettre les bouchées doubles pour se tailler une place, mais ils finissent par calmer leurs ambitions à un moment ou à un autre, dit la chercheure. Interrogés sur la façon dont ils envisageaient leur vie au travail, que ce soit à court ou à moyen terme, même les plus ambitieux des participants à l’enquête ont insisté sur l’idée d’un équilibre à atteindre dans le futur.»

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