
Le courrier
Le silence des enseignants de français
Je viens de lire Le grand mensonge de l’éducation (Lanctôt éditeur) et je tiens à remercier les trois auteurs, trois enseignants d’expérience, pour leur courage, leur lucidité et leur engagement non seulement envers la langue française, mais aussi envers la formation intellectuelle des jeunes de notre pays. Nous ne défendons pas l’impérieuse nécessité d’amener les jeunes Québécois à maîtriser le français seulement par «amour» du français, mais parce que la maîtrise de la langue est essentielle à l’élaboration et à l’expression d’une pensée rigoureuse, critique et créatrice. Et que sans pensée, pas de liberté.
En septembre prochain, je célèbrerai 40 ans de travail dans l’éducation. Depuis près de vingt ans, je constate que les examens de certification en français écrit du secondaire comme du collégial sont des passoires et ne garantissent pas du tout une maîtrise acceptable du français écrit à cause du laxisme du ministère de l’Éducation du Québec. J’ai déjà accusé ce ministère d’être le fossoyeur de la langue française au Québec et je persiste à le croire. La démonstration de la duperie de l’examen de français du collégial par M. Séguin dans Le grand mensonge de l’éducation est claire. On fait croire à la population que 85 % des jeunes qui obtiennent un diplôme de fin secondaire ou de cégep maîtrisent le français. C’est faux, on le constate aisément au nombre d’échecs aux examens d’entrée à l’université.
Ce que les auteurs disent correspond à ce que je vois, entends, dénonce depuis des décennies. Par contre, j’ai toujours été surprise et même choquée du silence des enseignants de français. En voilà trois qui crient. On peut espérer que ce ne sera pas tout à fait dans le désert. Je partage leur colère, leur humiliation, leur passion pour l’enseignement du français et la formation des jeunes, et, hélas, leur épuisement.
Dans la lutte pour obtenir des programmes de français un peu moins absurdes et des examens plus rigoureux, j’ai rencontré un certain nombre de cadres et de fonctionnaires du MEQ: j’ai peu d’espoir qu’ils mettront fin un jour à ce grand mensonge. Alors, qui, dans la société québécoise, exigera que les jeunes maîtrisent réellement le français au sortir de l’école ?
SUZANNE-G. CHARTRAND
Didacticienne du français,
Professeure à la Faculté des sciences de l’éducation
Référence: Germain, L., Papineau, L. & Séguin, B. (2006). Le grand mensonge de l’éducation. du primaire au collégial : les ratés de l’enseignement du français. Montréal: Lanctôt éd.
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