La métamorphose
Puisant aux sources de la biologie, Lucille Cornet ne craint pas de manipuler la matière vivante pour la transformer
L’art et la science ont plus de choses en commun qu’on ne le pense. En témoigne la collaboration étroite et originale établie entre Lucille Cornet, chargée de cours à l’École des arts visuels et une dizaine d’étudiants au doctorat du Département de biologie qui débouchera sur l’exposition «Mutations errantes», à la Galerie Estampe Plus, au mois de novembre. De la même manière que le chercheur explore la matière vivante dans son laboratoire, Lucille Cornet s’est inspirée de l’observation de spécimens pour mener à bien son projet artistique, où la matière organique joue un rôle de premier plan. Cette démarche quelque peu inhabituelle a donné lieu à d’intéressants échanges entre l’artiste et les biologistes, peu habitués à être consultés par des personnes provenant du milieu des arts.
«Je m’intéresse à ce que nous sommes, à l’être humain, dit Lucienne Cornet. Je trouve que ce que je fais avec la matière est proche des découvertes que les chercheurs peuvent faire avec la matière vivante en laboratoire.» Même son de cloche du côté de Louis Bernatchez, professeur au Département de biologie, qui a en quelque sorte parrainé le projet. «Il existe un parallèle entre la recherche fondamentale et la recherche artistique, constate le chercheur. Les deux domaines nécessitent qu’on soit créatif dans nos idées pour que les choses avancent.»
La vie qui bat
Le biologiste qui examine les cellules au microscope plonge dans un monde unique, où l’infiniment petit révèle l’univers immense des possibles. Tout est à découvrir dans ces micro-organismes qui pullulent sous la lentille, au rythme de la vie qui bat. Lucienne Cornet est fascinée par cette connivence. «Avec les étudiants, j’ai beaucoup échangé sur le thème des bouleversements biologiques et de leurs conséquences sur le corpus social, explique t-elle. Avec le résultat que des êtres singuliers, hybrides et fictifs ont pris forme dans mon imagination, comme ils pourraient apparaître sous la lentille du microscope. Les choses se métamorphosent toujours sous l’inspiration. On provoque mais on ne sait pas toujours ce qui va en résulter. Je me donne la liberté d’errer dans le temps et dans l’espace; cela me donne une espèce de liberté qui stimule la création.»
La vingtaine d’œuvres que Lucienne Cornet, présentera à la Galerie Estampe plus cet automne témoignent de cette préoccupation pour l’étrange et le mystère sous toutes ses formes. Captivée par le processus de transformation qui s’opère lors de l’élaboration d’une œuvre, l’artiste ne craint pas de renouveler constamment son langage. Connue pour ses sculptures, Lucienne Cornet a réalisé de nombreuses œuvres publiques majeures intégrées à l’architecture et à l’environnement, dont «Le Quatuor d’airain», qu’on peut voir aux abords du Centre des congrès de Québec et «Métamorphoses», qui se trouve dans le hall de la salle de spectacle Albert-Rousseau. À travers ce travail remarquable figure une constante: la manipulation de la matière sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de toile, de bois, de papiers, de métal, d’argile ou de cire, pour ne citer que ces médiums. Au centre de tout prime le rapport au vivant, source de vie et d’inspiration.
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