La propriété intellectuelle dans le cyberespace
L’étudiant a un droit de regard sur le mémoire ou la thèse qu’il met en ligne
En matière de propriété intellectuelle, les dispositions relatives aux mémoires de maîtrise et aux thèses de doctorat sur format papier s’appliquent aussi aux mémoires et thèses électroniques mis en ligne sur Internet. Et les mesures qui entourent leur application dépendent du consentement de l’auteur. D’autre part, si Internet permet plus facilement de plagier, il permet aussi d’identifier plus facilement le contrevenant. Ces constats, et d’autres, sont ressortis des échanges lors d’une table ronde tenue dans le cadre du IXe Symposium international sur les thèses et mémoires électroniques. Également appelé Symposium ETD 2006, l’événement s’est déroulé du 7 au 10 juin dans un hôtel de Québec. Organisé par la Bibliothèque de l’Université Laval, il a attiré quelque 180 congressistes en provenance de 24 pays. Le thème général était «Ouvrir l’accès à la communication savante».
La table ronde portait sur la propriété intellectuelle dans le nouveau contexte ouvert par le format électronique. Les participants ont principalement discuté de la notion de droit d’auteur. «Le droit d’auteur est un droit de propriété exclusif d’une œuvre que possède une personne qui écrit un texte», précise Georges Azzaria, professeur de la Faculté de droit spécialisé en droit d’auteur et modérateur de la table ronde. «Ce droit, poursuit-il, permet à l’auteur d’autoriser toutes les formes d’utilisation, par exemple, de publier ou non le document, de le mettre ou non sur Internet, et si oui, à quelles conditions. En général, les restrictions des auteurs de mémoires et de thèses électroniques vont dans le sens de ne pas modifier le contenu du document, de toujours associer le nom de l’auteur à l’œuvre et de ne pas utiliser l’œuvre dans un but promotionnel.»
Selon Georges Azzaria, l’étudiant est titulaire des droits sur son mémoire ou sur sa thèse. «Je ne connais aucune université qui soit titulaire de ces droits, souligne-t-il. Il peut être intéressant pour l’étudiant de recourir au format électronique. Mais encore faut-il qu’il soit d’accord. La décision lui revient. Une des raisons de refuser peut découler du fait que de nombreux mémoires sont, en quelque sorte, des exercices d’apprentissage à la recherche. L’étudiant peut en outre décider de retirer son oeuvre d’Internet. D’autres recherches sont peut-être allées plus loin que la sienne, ou bien l’information n’est plus d’actualité, comme en droit lorsque des changements sont apportés à la loi.»
S’approprier le travail d’un autre
Durant la table ronde, Marcus Bornfreund, codirecteur de Creative Commons Canada, a, pour provoquer la discussion, déclaré que tout travail intellectuel peut être considéré comme du plagiat, dans la mesure où les idées appartiennent à tous et que les auteurs reprennent toujours les idées de quelqu’un d’autre. Pour ce dernier, l’étudiant aura fait un bon travail simplement en rassemblant en un tout cohérent un ensemble d’extraits puisés à une ou différentes sources. «Je ne pense pas que tout est plagiat, indique, pour sa part, Georges Azzaria. On s’inspire des idées des autres. Mais les formes d’expression, elles, sont distinctes. C’est l’expression des idées qui est protégée.»
Georges Azzaria croit que la visibilité offerte par le Web rend le plagiaire vulnérable. «Si l’étudiant au doctorat plagie des extraits d’un livre, dit-il, il est théoriquement possible, grâce aux moteurs de recherche, que plusieurs internautes, notamment l’auteur d’origine, se rendent compte du plagiat. Je pense qu’il était plus difficile, avant l’invention d’Internet, de coincer un plagiaire, particulièrement dans le cas de mémoires ou de thèses rarement consultés. La personne avait peut-être eu accès à un ou des livres que le directeur de thèse n’avait pas ou ne connaissait pas. Il y a donc un risque énorme à plagier. Et ce risque dure dans le temps à cause d’Internet qui assure la pérennité des documents.»
La collection des mémoires et thèses électroniques de l’Université Laval comprend actuellement quelque 400 titres répartis en un nombre à peu près égal de mémoires et de thèses. Environ 15 % des thèses font l’objet d’un dépôt électronique. En fait de nombre, la collection place Laval au troisième rang parmi les universités canadiennes. Mais sur le plan qualitatif, l’Université figure déjà parmi les établissements les plus avancés au monde en raison de son utilisation de technologies d’avant-garde dans l’édition et la diffusion électroniques. La Bibliothèque utilise les formats de diffusion PDF et XHTML ainsi que le format d’archivage XML. Cette technologie permet le stockage de données dans un format neutre et assure la pérennité des documents. L’excellente visibilité internationale dont bénéficie la collection est due à l’application du protocole de l’Open Archives Initiative. En plus d’adhérer à ce protocole, la Bibliothèque développe et supporte Archimède, une puissante plate-forme Open Source de gestion et de diffusion de documents numériques distribuée sous forme de logiciel libre.
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