L’homme qui murmurait à l’oreille des kiangsLe biologiste Antoine St-Louis s’est taillé un doctorat sur mesure pour découvrir le monde et pour en sauvegarder une petite partie par Jean HamannEn 1998, après une maîtrise sur l’écologie du chevreuil, Antoine St-Louis a eu le goût de s’arrêter un peu avant de choisir dans quelle voie il voulait engager sa vie. Pour ce biologiste voyageur comme pour bien d’autres globe-trotters, s’arrêter signifie partir. Destination Asie donc, pas tant pour y rencontrer sa destinée que pour s’adonner à ses passions artistiques, la photo et le dessin, et plus simplement pour «voir le monde». Ce voyage de cinq mois en solitaire lui ouvre des portes: il devient, pendant trois ans, guide accompagnateur pour Les Karavaniers du monde. Un jour, une expédition qu’il dirige au Ladakh, dans le nord de l’Inde, place sur son chemin un curieux animal, sorte de zèbre sans rayures, qui tient à la fois du cheval et de l’âne: le kiang. Ce grand herbivore quasi inconnu - un des rares équidés sauvages de la planète et celui qui vit à plus haute altitude – et ce milieu de haute montagne apparenté au Tibet ravivent sa flamme pour la recherche. C’est là qu’il décide de joindre l’agréable à l’agréable en faisant de ce «très bel animal» et de ce coin fascinant du bout du monde le sujet de son doctorat. Le kiang est si peu connu que l’Union internationale pour la conservation de la nature lui a attribué le statut «manque de données». Sa population de 70 000 têtes, regroupée autour du plateau tibétain, semble mettre l’espèce à l’abri de l’extinction. Pourtant, une menace plane sur l’âne sauvage du Tibet: les rares pâturages dont il dépend pour sa survie dans ce milieu très aride sont convoités par les éleveurs nomades qui y conduisent leurs chèvres, leurs moutons et leurs yacks. «Les nomades se plaignent qu’il y a trop de kiangs alors que d’autres jugent que les bêtes des nomades prennent trop de place, résume Antoine St-Louis. Le manque de données sur la biologie du kiang fait en sorte qu’on ne sait même pas s’il utilise exactement le même territoire et s’il mange les mêmes plantes que les bovidés domestiques.» Un conflit à chiffrer
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