God Bless America
Aux États-Unis, la place de la religion dans l’espace public suscite des débats passionnés qui divisent la société
L’an dernier, un juge d’un tribunal fédéral américain a déclaré le créationnisme inconstitutionnel. Cette théorie, également appelée «dessein intelligent», avance que l’Univers aurait été créé par Dieu. La même année, des parents avaient porté plainte contre un conseil scolaire qui avait autorisé ses professeurs à enseigner cette théorie. Pour Jeremy Gunn, directeur de recherche au programme Droit et religion de l’Université Emory d’Atlanta, la controverse qui oppose les défenseurs du créationnisme à ceux de la théorie de l’évolution n’est qu’un des volets d’un débat plus large sur la place que doivent occuper les valeurs religieuses dans l’espace public aux États-Unis. «Partout, des gens veulent ériger des monuments aux dix commandements, notamment devant les hôtels de ville», a-t-il expliqué, le lundi 29 mai au pavillon Charles-De Koninck, lors d’une conférence qui avait pour thème: «La droite religieuse, les guerres culturelles et les libertés publiques aux États-Unis». «D’autres citoyens, a-t-il ajouté, contestent la place de la prière dans les écoles publiques et questionnent la référence à Dieu dans le serment d’allégeance que prononcent, la main sur le cœur chaque matin, les écoliers américains: «nation under God» (une nation sous la protection de Dieu).»
Selon Jeremy Gunn, bon nombre de conservateurs religieux américains voient dans ces débats de société les signes d’une «guerre» culturelle entre les «humanistes séculiers» et les croyants d’obédience chrétienne. La division ainsi créée dans le peuple américain rappellerait la guerre froide qui était présentée, par le gouvernement, comme un combat entre le bien et le mal. «La rhétorique gouvernementale disait: nous sommes du côté du bien. Nous avons raison dans ce que nous faisons parce que nous avons été choisis et bénis par Dieu.» Selon le conférencier, les Américains aiment se percevoir comme un peuple élu, «un pays béni de Dieu», comme l’affirme la formule bien connue: God Bless America.
Des croyants très pratiquants
Plusieurs sondages récents confirment que les États-Unis sont le pays le plus religieux de tout le monde industrialisé et que ses citoyens sont très pratiquants. «Les gens vont plus souvent à l’église qu’ailleurs», a souligné Jeremy Gunn. Une autre enquête d’opinion réalisée aux États-Unis en 2005 a révélé que 58 % des répondants estimaient que leurs concitoyens n’étaient pas suffisamment religieux.
«Nous avons l’impression d’être un pays incapable de faire le mal et qui est investi d’une mission, celle de protéger le monde en cas de crise», a poursuivi le conférencier, qui a rappelé que la majorité des Américains étaient pacifiste dans les années 1930. «Les gens ne voulaient pas se mêler des problèmes des Européens, a-t-il expliqué. Mais tout a changé avec le bombardement japonais de Pearl Harbor en 1941.» Une fois la guerre mondiale terminée, la lutte au communisme dans le cadre de la guerre froide aurait, en quelque sorte, sacralisé cette institution que sont les forces armées.
«De nos jours, les sondages indiquent que les forces armées sont l’institution la plus respectée, a mentionné Jeremy Gunn. Elles ont une mission à accomplir. Les gens font souvent le lien entre les forces armées et la religion.» D’ailleurs, en 1951, le président Harry Truman déclarait, à propos de la guerre de Corée: «Nous défendons les principes religieux sur lesquels reposent notre nation et tout notre mode de vie. Nous défendons le droit de vénérer Dieu et le droit de suivre les préceptes et l’exemple que Dieu a établis pour nous.» Selon Jeremy Gunn, il faut remonter aux années 1950 pour voir la religion devenir partie intégrante de la vie publique américaine. La référence à Dieu a été ajoutée au serment d’allégeance en 1954. Deux ans plus tard, l’expression «In God We Trust» (En Dieu nous avons foi) est devenue la devise nationale des États-Unis.

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